Le 26 juin 2014
Kent Page est le conseiller principal de l’UNICEF en matière de communications pour les situations d’urgence. Il a récemment été en poste au Soudan du Sud, où plus de 1,3 million de personnes ont été déplacées depuis le mois de décembre 2013. La moitié d’entre elles sont des enfants.
Pouvez-vous décrire votre mission au Soudan du Sud?
KENT PAGE : J’ai participé pendant six semaines à une mission de communication à Juba, la capitale, dans le cadre de la situation d’urgence, ainsi que dans d’autres régions. Je suis allé à Minkaman, en bordure du Nil. Il y a quelques mois, ce n’était qu’un minuscule village de pêcheurs. L’endroit est maintenant surpeuplé en raison des milliers de familles qui fuient la violence. J’ai également voyagé à Bentiu, dans l’État d’Unity, qui est sans doute la région du pays où le conflit est actuellement le plus intense. Lorsque je me trouvais à Juba, l’UNICEF dirigeait l’intervention d’urgence pour lutter contre l’épidémie de choléra.
Pourquoi la famine est-elle une menace?
PAGE : Le peuple ne peut pas semer ni cultiver pour la saison des récoltes en raison de la violence et des déplacements. Les marchés ne disposent pas de la quantité de nourriture qu’ils auraient en temps normal, donc les prix augmentent. Pendant ce temps, des personnes sont déplacées. Elles ne travaillent pas, elles n’ont pas d’argent et elles ne peuvent pas acheter le peu de nourriture en vente.
Pourquoi cette situation d’urgence est-elle si catastrophique pour les enfants?
PAGE : Avant la crise, le Soudan du Sud affichait déjà des taux extrêmement élevés de malnutrition chez les enfants. Puis, la maladie est venue s’ajouter à cela. Les enfants qui sont affaiblis par la faim sont plus exposés au risque de contracter des infections respiratoires aiguës, la rougeole, le choléra et le paludisme, aussi connu sous le nom de malaria. À défaut d’intensifier immédiatement les interventions de nutrition, jusqu’à 50 000 enfants mourront de malnutrition. De plus, quelque 3,7 millions de personnes au Soudan du Sud sont actuellement exposées à un risque très élevé d’insécurité alimentaire. Parmi celles-ci, 740 000 sont des enfants âgés de moins de cinq ans.
Y a-t-il de la nourriture dans ces camps? De quoi les gens se nourrissent-ils?
PAGE : La population du Soudan du Sud se nourrit de tout ce qu’elle peut trouver, fruits et légumes sauvages, racines, herbes. Dans les camps, il y a de la nourriture, mais ces aliments pourraient ne pas apporter tous les nutriments dont les gens ont besoin.
En quoi la saison des pluies influe-t-elle sur la situation?
PAGE : La saison des pluies est à la fois une malédiction et une bénédiction. C’est une malédiction, car les cas de maladies d’origine hydrique, comme le paludisme et le choléra, augmentent : nous avons déjà constaté une épidémie de choléra. De plus, il est très difficile d’assurer le transport de nourriture pendant la saison des pluies. D’un autre côté, s’il n’y a pas assez de pluie, et c’est d’ailleurs ce qui est prévu pour le reste de cette année, tout ce qui aura été planté ne sera pas suffisamment irrigué.
Que fait l’UNICEF pour aider?
PAGE : L’UNICEF vient en aide aux enfants en leur procurant des micronutriments et des aliments thérapeutiques prêts à consommer. Nous fournissons les rubans à mesurer nécessaires au dépistage de la malnutrition chez les enfants, de longues règles pour mesurer leur taille et des pèse-personnes pour les peser et ainsi déterminer leur état nutritionnel et leur état de santé général.
Nous fournissons aussi beaucoup de tentes, ce qui est très important sur place pour les personnes déplacées. Lorsque j’y étais, la température avoisinait chaque jour les 40 oC. Ces sites sont pratiquement dépourvus d’arbres et ne procurent aucun abri pour se protéger du soleil. Nous fournissons des tentes à nos partenaires, qu’ils utilisent comme centres de traitement alimentaire. Les installations sont propres. Des bureaux peuvent y être installés. Des médicaments peuvent y être entreposés. Les médecins et le personnel infirmier peuvent y traiter les enfants. Les enfants sont allongés sur des lits, sur des matelas à même le sol, à l’abri du soleil.
En quoi les aliments thérapeutiques prêts à consommer de l’UNICEF se distinguent-ils des aliments ordinaires?
PAGE : Ces aliments thérapeutiques prêts à consommer ont une haute teneur énergétique et une teneur élevée en vitamines et en sels minéraux. Il s’agit d’une pâte molle en sachet qu’il suffit de presser directement dans la bouche de l’enfant. Cet aliment n’ayant pas besoin d’être mélangé à de l’eau, on évite le risque de contamination qui pourrait résulter d’un contact avec de l’eau insalubre. Des résultats positifs sont observables en quelques jours chez un enfant gravement dénutri.
Quels sont les plus grands défis que doit surmonter l’UNICEF?
PAGE : Le conflit et la violence. Il a y des parties isolées de la population auxquelles les organismes humanitaires n’ont eu que peu d’accès jusqu’à présent; nous faisons de notre mieux pour leur venir en aide. Il y a aussi le financement. Les équipes de l’UNICEF au Soudan du Sud manquent cruellement de fonds.