Tribunaux virtuels : Minimiser les risques associés à la COVID-19
Sakib (nom fictif), 16 ans, sourit alors qu’il rentre chez lui dans la capitale du Bangladesh, Dhaka, pour la première fois depuis des mois.
« C’est si bon d’être à nouveau avec ma famille », dit-il en venant les saluer. Sakib était détenu dans un centre de détention à Tongi, dans la banlieue de Dhaka. Toutefois, comme il y avait de plus en plus de risque que la COVID-19 ne se répande rapidement dans les endroits surpeuplés, des tribunaux virtuels ont été institués afin d’accélérer les décisions sur les causes impliquant des jeunes gens.
« Ce n’était pas trop mal [dans le centre de détention] », dit Sakib. « Mais je m’ennuyais beaucoup de ma mère. »
À la vue de son fils, la mère de Sakib se met à pleurer. Emporté par l'émotion, Sakib pleure à son tour. Pour la mère et le fils, ce sont des larmes de joie, ainsi que de soulagement.
BOHNEUR MITIGÉ
Sakib est l’un de plus de 500 enfants libérés sous caution grâce aux tribunaux virtuels, qui ont été mis en place au mois de mai par la Cour suprême du Bangladesh, avec le soutien de l’UNICEF. La plupart des enfants détenus dans ces centres le sont pour allégation d’infractions mineures, mais même ces causes peuvent prendre des mois, parfois des années, à être résolues.
Il y a environ 23 000 causes impliquant des enfants qui sont présentement en instance devant les tribunaux du pays. À la mi-mai, plus de 1000 de ces enfants étaient détenus dans seulement trois centres, lesquels étaient, de ce fait, terriblement surpeuplés.
Environ les deux tiers de ceux qui ont été libérés sous caution ont été réintégrés dans leurs familles. Une fois ces enfants libérés, les responsables des centres de détention leur conseillent de se conformer aux directives de leurs parents et de tenter de mener une bonne vie. Sakib, quant à lui, semble bien décidé à suivre cette voie.
« Je vais rester à la maison à cause de la menace que pose le coronavirus et je vais essayer d’éviter les mauvaises fréquentations », dit-il. « Je vais également aider mes parents dans leur travail. »
Le père de Sakib est heureux que son fils ait été libéré, mais il avoue être quelque peu inquiet de pouvoir subvenir aux besoins de toute sa famille, qui compte maintenant sept membres.
« Depuis le confinement, j’ai très peu de revenus. Nous avons du mal à acheter les produits essentiels, malgré la contribution financière de deux de mes autres fils, qui travaillent comme électriciens », dit le père de Sakib. « Il ne nous reste à peu près aucun moyen de gagner de l’argent ces jours-ci. »
CONTRAINTES
La pandémie de la COVID-19 est venue bouleverser un système de tribunaux déjà saturé au Bangladesh. À cause de cela et de la crainte de voir le coronavirus se répandre rapidement dans les centres de détention surpeuplés, le 9 mai 2020, le président du Bangladesh a émis un ordre visant à mettre en place des tribunaux virtuels, et le premier tribunal virtuel pour enfants est apparu quelques jours plus tard.
Saifur Rahman, agent spécial de la Cour suprême du Bangladesh et juge de district supplémentaire, affirme, au sujet de la surpopulation dans les centres de détention, qui manquent aussi souvent d’effectifs : « Maintenir la distanciation physique est presque impossible dans un tel environnement ».
L’UNICEF aide les centres de détention à gérer le processus de libération et travaille avec le Département des services sociaux pour la réintégration des enfants dans leurs familles; il veille aussi à ce que les enfants soient accompagnés pour leur trajet de retour à la maison. L’UNICEF apporte également son aide au processus de réintégration en facilitant l’accès aux services de santé et à d’autres services, tels le soutien juridique, le soutien psychosocial, la prévention de la violence et l’intervention en cas de violence, ainsi que l'éducation.
ÉVITER LES ENNUIS
Shariful, un conseiller psychosocial du centre de détention de Tongi, indique que les membres de son personnel font le suivi par téléphone avec les enfants une fois qu’ils sont libérés. En réponse à la question sur le risque que courent les enfants libérés sous caution de se mettre dans le pétrin, il indique que la plupart d’entre eux n’avaient été incarcérés que pour allégation d’infractions mineures et que le récidivisme chez les enfants qui ont été libérés n’est pas habituel.
Shariful croit, en fait, que le plus grand risque que courent les enfants libérés sous caution n’est pas d’avoir des démêlés avec la justice, mais plutôt d’abandonner les habitudes d'hygiène qui leur ont été inculquées en détention après l’éclosion de la COVID-19.
« Je me demande vraiment », dit-il, « s’ils vont maintenir le même niveau de discipline et les mêmes pratiques d'hygiène personnelle une fois qu’ils seront rentrés chez eux. »