Voici le premier d'une série de billets de blogue sur l'éducation des filles dans les situations de crise.
Toby Fricker est un spécialiste des communications de l’équipe d’intervention d’urgence. Il apporte son soutien en matière de communications et de défense des droits lors de la préparation et des interventions humanitaires.
Investir dans l'éducation des filles contribue à briser les cycles de la pauvreté et de la violence. L'éducation donne les moyens aux femmes et filles d’améliorer leur situation, et à plus long-terme, a des effets positifs sur la santé, la paix et la prospérité de communautés et pays entiers.
L'histoire de Belqees
Belqees a toujours rêvé d’aller à l’école. « Mes amies revenaient au village et parlaient de l’école, de ce qu’elles faisaient. Je me sentais : ce sont mes amies, alors pourquoi suis-je à l’écart? », dit la jeune fille âgée de 16 ans.
Chez elle, dans un village de la province montagneuse de Daykundi, dans le centre de l’Afghanistan, Belqees explique qu’elle ne peut pas aller à l’école, car c’est trop loin. Ses parents n’ont pas de motocyclette ni d’argent pour le transport, mais ils reconnaissent l’importance de l’éducation.
Et c’est ainsi que Belqees a fait venir l’école chez elle.
L’éducation communautaire ou l’apprentissage ouvert aux filles
Dans une pièce de la maison de Belqees, les lettres de l’alphabet dari et des dessins couvrent les murs. Quinze enfants sont assis à même le sol et regardent attentivement leur enseignant écrire un autre mot au tableau.
« Je me suis plainte à mes parents. Quel espoir y a-t-il si nous ne pouvons pas apprendre? J’ai donc poussé mon père, Hassan, à offrir un peu d’espace », explique-t-elle.
C’est maintenant l’un des 4 300 espaces d’éducation communautaire et plus de l’Afghanistan. Grâce au soutien de l’UNICEF, ces salles de classe permettent à quelque 81 000 filles d’apprendre et, si possible, de passer à l’école formelle.
« Vous devez commencer dans votre propre maison pour montrer aux autres que vous croyez en l’éducation. Alors d’autres suivront », dit Fatima, la mère de Belqees.
Fatima aurait aimé avoir la possibilité d’aller à l’école. Alors maintenant, elle encourage Belqees, ses sœurs et leurs amies à continuer d’apprendre. « Moi, ma mère, ma grand-mère… nous n’avons pas reçu d’éducation; nous n’avions donc pas la possibilité de faire autre chose dans la vie », dit-elle.
Dans un pays où les filles comptent pour 75 pour cent des 3,5 millions d’enfants non scolarisés, l’éducation communautaire donne de l’espoir aux filles qui sont avides d’apprendre.
L’éducation des filles est l’affaire de toutes et de tous
Dans la vallée stérile de l’autre côté de Nili, la plus grande ville de la région, nous avons rencontré Sadiq, qui est âgé de 21 ans. Il enseigne dans un autre espace d’éducation communautaire où des cours sont organisés dans une salle du conseil municipal.
Sadiq a quitté la province voisine de Bamiyan, à 12 heures de route, pour s’établir ici et enseigner. « Je me suis rendu compte que l’enseignement est très important pour la communauté, afin de donner aux enfants des bases solides dans la vie », explique-t-il.
« Le bon côté, ici, c’est que je vois beaucoup de filles venir en classe comparativement aux garçons. Les parents ne font pas la différence entre les garçons et les filles. »
L'insécurité est un problème récurrent... et les filles sont souvent les premières à ne plus aller à l’école
Mais, comme le montrent les statistiques, ce n’est pas toujours aussi simple. L’accès à des établissements scolaires de qualité, la capacité de rester à l’école, la mauvaise alimentation, les parents et l’ensemble de la société… tout concourt à restreindre le droit des filles à l’éducation et leur capacité d’apprentissage. L’insécurité est un autre problème récurrent. Bien que cette région montagneuse centrale soit relativement calme et sûre, de fréquents actes de violence à seulement 60 kilomètres au nord et au sud bouleversent la vie des familles et donnent lieu à des vagues régulières de déplacement. Lorsque cela se produit, les filles sont souvent les premières à ne plus aller à l’école, car les parents jugent plus important de les garder en sécurité que leur désir d’apprendre.
Dans la classe de Belqees, trois jeunes filles ne sont pas originaires du village. Elles sont arrivées il y a quelques mois, fuyant l’insécurité près de chez elles. Être de retour à l’école leur procure au moins un certain sens de la normalité et une stabilité dans leur vie, et cela les aide à s’intégrer à leur nouvel environnement.
En ouvrant leur maison, Hassan et Fatima font beaucoup plus que simplement permettre à leur propre fille d’apprendre. Tout comme le sacrifice personnel de Sadiq de commencer une nouvelle vie loin de chez lui est bénéfique pour la vie et l’avenir de tous les enfants qui assistent à ses cours.
En Afghanistan, les filles sont prêtes à apprendre, mais elles ont besoin du soutien nécessaire et de la possibilité de le faire. Comme le montrent les histoires de ces défenseurs de l’éducation des filles, il y a beaucoup à faire pour ouvrir l’apprentissage aux filles et transformer leur vie, pour le bien immédiat et à long terme de la société.