Assise devant sa nouvelle maison, une hutte faite de branches sèches recouvertes de couvertures, Khadija Muuse, âgée de 70 ans, chante à propos d’une famille forcée d’être séparée.
Oh, toi qui fais la sourde oreille, va!
Les bateaux sont prêts, pourquoi ne l’es-tu pas?
Oh, toi qui fais la sourde oreille, va!
Les bateaux sont partis, et toi aussi!
Oh, toi qui fais la sourde oreille, va!
Les bateaux sont partis, mais pourquoi pas moi?
Khadija vit au sein de trois familles, composées de 15 femmes et enfants, qui se sont récemment installées dans le village de Rabaable, dans le nord-est de la Somalie. Ce sont des bergers déracinés en raison de la sécheresse. Il est tombé si peu de précipitation depuis quatre ans.
Grâce au soutien du gouvernement du Canada, l’UNICEF s’est employé à améliorer l’accès des enfants à l’éducation et aux services de santé à Rabaable et dans d’autres régions de la Somalie ravagées par la sécheresse.
« Notre famille est pauvre et n’a jamais eu beaucoup d’animaux. Mais le peu de bétail que nous possédions, nous l’avons perdu à cause de la sécheresse », explique Khadija. Sa famille élargie, comme beaucoup de familles somaliennes en difficulté, s’est divisée en deux groupes : les hommes sont partis dans les villes et les communes pour gagner leur vie, tandis que les femmes et les enfants sont allés vivre chez des parents, ou dans des villages ou des camps où ils peuvent trouver de l’aide.
« Les hommes cherchent du travail à Garowe. Comme nous ne pouvons pas nous permettre de les rejoindre, nous restons ici », ajoute Khadija à propos de la séparation de sa famille.
Khadija et ses compatriotes comptent parmi les cinq millions de personnes, soit près de deux Somaliens sur cinq, qui font face aux pénuries alimentaires aggravées par la sécheresse actuelle. Les mauvaises récoltes et la perte de bétail engendrent la misère, la malnutrition et la maladie à vaste échelle.
Actuellement, 320 000 enfants souffrent de malnutrition, et plus de 50 000 d’entre eux risquent de mourir s’ils ne reçoivent pas un traitement de toute urgence. Les pénuries d’eau ont fait grimper les prix, engendré des épidémies de maladies d’origine hydrique et aggravé la crise de la malnutrition. Au début de l’année 2016, une épidémie majeure de diarrhée sévère et de choléra a frappé le pays. Au moins, 13 600 cas ont été signalés.
Mais le pire pourrait être encore à venir. Les précipitations pendant la plus récente saison des pluies, Deyr, qui s’étend habituellement d’octobre à décembre, ont été bien inférieures à la moyenne. La sécheresse s’aggrave dans les régions les plus touchées du nord du Puntland et du Somaliland, et elle se propage également dans les régions du sud et du centre. Selon les prévisions météorologiques actuelles, la vie deviendra plus difficile encore pour Khadija et des millions de Somaliens et Somaliennes jusqu’en avril, le début de la prochaine saison des pluies.
« Notre vie est ici »
Pour Meymun Suleiman, une résidente de la commune de Rabaable où séjourne Khadija, cette sécheresse est la pire de toutes celles qu’elle a connues.
« Lors des sécheresses précédentes, nous pouvions encore voir un peu d’herbe dans les pâturages. Mais, maintenant, tout a séché », explique-t-elle.
Meymun exploite un petit magasin de thé au bord de la route. Son mari étant aveugle, elle est l’unique soutien de la famille qui compte 13 enfants. Elle a perdu 15 chèvres à cause de la sécheresse, et l’entreprise ne va pas bien.
« Lorsque notre village était verdoyant, nous avions beaucoup d’animaux et des fermes de légumes. Les gens avaient l’habitude de s’arrêter, d’admirer nos fermes, de boire et de manger. Aujourd’hui, plus personne ne vient », ajoute Meymun.
La présence d’eau courante est l’une des principales raisons pour lesquelles la famille de Meymun ainsi que d’autres villageoises et villageois n’ont pas quitté Rabaable. L’UNICEF a récemment restauré un puits dans le village, de même que dans onze autres villages voisins, grâce aux fonds généreusement versés par des donatrices et donateurs, y compris le gouvernement du Canada. La contribution canadienne a servi à financer les services essentiels de l’UNICEF en matière de santé, d’eau et d’assainissement.
L’UNICEF a également utilisé les fonds pour mettre en place des centres d’apprentissage temporaires alimentés en eau et dotés d’installations sanitaires, ainsi que pour fournir des incitatifs financiers au personnel enseignant afin de minimiser les répercussions de la sécheresse sur l’éducation des enfants.
Mais les besoins sont immenses. Le 12 novembre 2016, le gouvernement fédéral de la Somalie a lancé un appel à l’aide à la population somalienne et à la communauté internationale pour aider les collectivités touchées par la sécheresse. Les autorités du Jubaland, du Puntland et du Somaliland ont suivi son exemple.
Quant à eux, l’Organisation des Nations Unies et ses partenaires humanitaires réclament de l’aide depuis le début de 2016. Seule une fraction des 127 millions de dollars nécessaires pour faire face à la sécheresse dans les régions les plus touchées du Puntland et du Somaliland a été recueillie. Si l’aide vient trop peu et trop tard, l’UNICEF craint une forte augmentation des cas de malnutrition chez les enfants. L’organisme a besoin de toute urgence de dix millions de dollars US pour éviter une aggravation de la situation.
« Nous sommes un peuple nomade, nous dépendons de notre bétail. Notre vie est ici. Nous ne pouvons pas aller à Garowe, c’est une ville. Qu’y ferions-nous? », dit Meymum à propos de ses plans futurs.
Pour appuyer le travail de l’UNICEF visant à apporter une aide essentielle à la survie de familles comme celle de Meymum, cliquez ici.
Kun Li est la spécialiste des communications d’UNICEF Somalie.