La mère de Pierre est décédée il y a trois ans, peu après sa naissance. Aujourd’hui, Pierre habite avec son père, Prosper, sa sœur et sa grand-mère dans un petit village à l’extérieur de la ville de Bangui, la capitale de la République centrafricaine. Le père de Pierre n’a pas d’emploi, la vie de la famille ayant été complètement chamboulée par le conflit sévissant au pays. Chaque jour, ils doivent lutter pour avoir suffisamment de nourriture à manger. Alors que la famille se nourrissait principalement de maigres quantités de grains de maïs provenant d’une ferme voisine, Pierre a commencé à perdre du poids. En juillet 2018, il était constamment malade, refusait de manger et devenait de plus en plus rachitique. N’ayant pas les moyens d’aller à l’hôpital, Prosper a commencé à traiter Pierre en recourant à la médecine traditionnelle, mais son état ne faisait qu’empirer.
« Je priais en marchant » : la malnutrition en République centrafricaine
Pierre ne pesait que 9 kilogrammes (19 pounds) et souffrait de diarrhées sévères. Craignant que Pierre soit sur le point de mourir, Prosper a marché 12 kilomètres pour se rendre jusqu’au centre de santé le plus près, en portant dans ses bras son fils rachitique. « Je priais en marchant. Je ne savais pas si Pierre allait arriver à l’hôpital vivant. Je me demandais si c’était le projet de Dieu de m’envoyer cet enfant, pour simplement le reprendre aussi vite. Je ne voulais pas pleurer, mais au fond, j’étais très inquiet. »
Une fois qu’ils sont entrés dans le centre de santé – qui est soutenu par l’UNICEF – les médecins se sont précipités pour stabiliser l’état de Pierre. « J’ai été surpris de voir autant de personnes à l’œuvre pour aider mon enfant », se rappelle Prosper. « Lorsque nous sommes arrivés au centre de santé, tout le monde a couru vers lui. » Le jour suivant, l’état de Pierre ne semblait pas s’améliorer. Il était presque inconscient en raison de son état de déshydratation avancé causé par les diarrhées. Craignant pour sa vie, les médecins du centre de santé l’ont référé au seul hôpital pédiatrique en République centrafricaine, afin qu’il reçoive des soins plus intensifs. Le 20 juillet, Pierre a été admis à l’hôpital pédiatrique de Bangui, une planche de salut pour les cas les plus sévères de malnutrition sévère aiguë.
Pierre et son père ont passé une semaine difficile dans une salle de stabilisation pour cas sévères, où Pierre recevait deux traitements par heure à l’aide de lait fortifié, puisqu’il était trop faible pour manger. Les salles de stabilisation des cas de malnutrition de l’hôpital sont surchargées; chaque lit est occupé, parfois par deux enfants, tous faibles et fragiles et nécessitant des soins essentiels à leur survie. Après sept jours, Pierre était suffisamment fort pour changer de salle afin de passer à la prochaine phase du traitement. Prosper et Pierre ont passé quatre jours de plus à l’hôpital. Chaque jour, Pierre devenait un peu plus fort. Il a recommencé à sourire et à manger des aliments thérapeutiques prêts à être consommés – des sachets de pâte fortifiée à base d’arachides fournis par l’UNICEF – qui sont essentiels au rétablissement d’un enfant souffrant de malnutrition.
Enfin, après dix jours de soins rigoureux prodigués 24 heures sur 24, il était temps pour Prosper de ramener Pierre à la maison pour voir sa sœur. Prosper a reçu des instructions strictes afin d’inscrire Pierre à un programme alimentaire ambulatoire au centre de santé près de son village. Pendant les semaines suivantes, la santé de Pierre a été suivie de façon régulière et il a reçu des aliments thérapeutiques pour l’aider à prendre du poids.
Le 16 août, Prosper et Pierre se sont réveillés à 5 h pour parcourir les 12 kilomètres qui les séparent du centre de santé afin que Pierre puisse subir son premier examen de santé. « Je suis soulagé. Maintenant que Pierre va beaucoup mieux, je peux aller travailler dans les champs ou aller couper du bois pour subvenir à ses besoins. » Après un mois en tant que patient du programme d’alimentation thérapeutique externe, Pierre est revenu à la vie. Il s’accroche encore à son père, mais il rit lorsqu’on le place dans le saut qui sert à le peser au centre de santé.
L’inquiétude qui a accaparé Prosper au cours du dernier mois a commencé à se dissiper. Il peut commencer à espérer un avenir meilleur pour Pierre. « Je veux envoyer Pierre à l’école. Je veux trouver du travail pour qu’il puisse apprendre. Cela me rendrait très heureux. Je suis très heureux de le voir maintenant jouer comme les autres enfants. »
Theophile Basimba, un spécialiste en matière de nutrition de l’UNICEF à Bangui, affirme que « Pierre est arrivé au centre de santé juste à temps. Nous avons pu le stabiliser à l’aide d’interventions simples, économiques et éprouvées comme du lait thérapeutique. Il se rétablit très bien et nous aidons son père à lui fournir les soins continus dont il a besoin. »
« La situation des enfants vivant en République centrafricaine empire de jour en jour. Bon nombre d’enfants sont privés de services en raison des combats et de l’insécurité. Les familles ne peuvent pas cultiver la terre et les enfants n’ont rien à manger. De plus, le seul hôpital pédiatrique du pays est surchargé. Les enfants comme Pierre, qui sont sévèrement dénutris, mais qui peuvent avoir accès à des services de santé sont les plus chanceux », indique monsieur Basimba. C’est une réussite douce-amère de voir Pierre sourire à nouveau parce que trop d’enfants dans le pays ne sont pas en mesure d’obtenir les soins dont ils ont désespérément besoin. »