Le 29 juillet 2017 marquait le cinquième anniversaire du camp pour personnes réfugiées de Zaatari, en Jordanie. Le camp héberge des personnes, fournit des services et contribue à réhabiliter depuis cinq ans des personnes réfugiées, principalement en provenance de la Syrie, dont 40 000 enfants. Pour contribuer aux efforts de l'UNICEF dans ce camp, cliquez ici.

« Quand je suis arrivée de la Syrie, j'étais une petite fille âgée de 11 ans qui ne pensait qu'à jouer. Aujourd'hui, j'ai grandi. J'ai toujours pensé qu'une fois au camp, le quotidien ressemblerait à un vaste pique-nique dans une sorte de jardin où je pourrais jouer avec mes amis. J'ai eu un choc, car l'aménagement était intimidant, mais il y avait une école, ce qui m'a plu. J'ai pu m'inscrire pour reprendre l'école », raconte Omaima, âgée de 16 ans, en réfléchissant à ses années passées à Zaatari, qui représentent presque le tiers de sa vie.

Omaima s'est donc inscrite à l'école, mais elle a aussi fait beaucoup d’autres choses.

Quand je l'ai rencontrée pour la première fois il y a environ quatre ans avec l'équipe jordanienne de l'UNICEF, elle était retournée à l’école et elle avait entrepris d'encourager d’autres jeunes filles à l’imiter, en plus de soulever avec elles différents problèmes. « J'ai commencé à organiser des rencontres sur le mariage précoce et sur l'éducation pour contribuer à changer les mentalités », explique Omaima. Après cinq ans d'existence, on observe effectivement au camp de Zaatari un certain changement.

Si les changements se produisent lentement, c’est que les deux premières années du camp ont été marquées par ce que les spécialistes de la protection de l'enfance appellent un état « d’hyperexcitation ». Les populations vivaient dans un état de tension psychologique intense. Elles étaient déchirées entre le combat et la fuite et n’avaient qu’un but : survivre. La violence sévit à seulement 12 kilomètres de la frontière nord de la Jordanie.

« Au début, les gens étaient en grave état de choc. La mort et la destruction étaient solidement inscrites dans leurs souvenirs et même une fois en sécurité, ils n'oublieront jamais ces images », explique Thaer, le père d'Omaima.

La peur et l'incertitude de se retrouver dans un camp désertique venaient s'ajouter à la tension et au stress éprouvés par les personnes réfugiées qui arrivaient quotidiennement à Zaatari.

Mais Thaer explique que les choses ont changé : « Le personnel enseignant comprend mieux les souffrances des enfants. Les écoles ont maintenant des bibliothèques et des laboratoires informatiques », précise-t-il.

Le camp pour personnes réfugiées de Zaatari

Le taux de scolarisation augmente avec constance et 21 000 enfants d'âge scolaire sur les 27 000 que compte le camp vont maintenant à l'école. La formation professionnelle, les projets d'innovation sociale, l'acquisition de compétences en informatique et les activités sportives comptent parmi les nombreux services offerts aux enfants et aux jeunes qui vivent au camp.

Les infrastructures ont également évolué rapidement. Les tentes qui servaient de maisons et d’écoles sont peu à peu remplacées par des structures fixes et l'eau qui arrivait par camion passe de plus en plus par un réseau d'eau potable et usée.

En quittant la maison d'Omaima, nous nous arrêtons à son école, qui fait partie de l'un des 14 complexes scolaires à Zaatari et qui est située sur la route périphérique du camp. Ce sont les vacances scolaires, mais des classes de rattrapage se donnent, dont certaines pour enfants vivant avec un handicap. Des rampes pour fauteuils roulants conduisent en classe et un chemin spécial pour fauteuil roulant, construit par le père d'Omaima qui travaille à l'école, mène à l'entrée principale.

À cinq minutes de route se trouve la maison d'Hanadi. Nous ne l'avons pas vue depuis plus de deux ans, mais rapidement, nous apercevons son père Abu Kareem en train d'acheter des fruits près d'une charrette attelée d’un âne.

« Nous sommes épuisés. La vie dans le désert est très dure et nous sommes fatigués d’avoir une maison temporaire. Nous ne voulons pas que l’avenir de nos enfants se perde dans le camp », confie-t-il devant un café. Ses pensées se tournent rapidement vers ses quatre enfants. Il est inquiet pour leur avenir.

Abu Kareem se trouve avec trois de ses quatre enfants

Nous demandons où se trouve Hanadi. Elle a quitté la maison familiale. « Hanadi est mariée et aura bientôt un enfant », explique Abu Kareem. Elle est maintenant âgée de 20 ans et vient d'obtenir son diplôme. Elle a passé les deux dernières années à étudier à l'Université Zarqa, à 45 minutes en voiture au sud du camp.

Je repense à ce qu'Hanadi nous a confié quatre ans auparavant. « Je ne pensais pas pouvoir étudier ici, mais je me suis dit que je n’avais pas d’autre choix, que je devais étudier. » Sa détermination a porté fruit.

Bayan, la jeune soeur d'Hanadi âgée de 16 ans, entend suivre les traces de sa sœur. Elle apprend l'anglais au camp et offre fièrement de nous chanter une chanson qu'elle a apprise. « Dans mes rêves, les enfants chantent une chanson d'amour pour chaque garçon et chaque fille, dites-moi pourquoi, pourquoi, je ne comprends pas. »

« Nous pensons à l'avenir, pas seulement au présent », confie-t-elle.

L'avenir immédiat d'Hanadi est auprès de son nouvel époux au camp, mais beaucoup d’autres l'ont quitté. Dans les cinq dernières années, environ 430 000 Syriennes et Syriens sont passés par Zaatari. Plusieurs se sont installés dans des villes jordaniennes, certains et certaines dans des endroits plus éloignés, tandis que d’autres sont rentrés en Syrie.

Hanadi est mariée et attend son premier enfant.

Il y a des enfants comme Ghada , qui, après avoir terminé ses examens finaux en 2014, est rentrée à la maison. Ou Muzoon, qui est aujourd’hui le plus jeune ambassadeur itinérant de l’histoire de l’UNICEF, qui a joué un rôle clé dans les premières campagnes de retour à l'école à Zaatari et qui habite aujourd’hui en Angleterre. Je ne peux m’empêcher de penser aussi à Bashir, Alaa et Najah, avec qui nous avons perdu contact. Nous nous demandons bien où ces jeunes se trouvent aujourd’hui.

Une nouvelle génération voit le jour à Zaatari. Chaque semaine, 80 bébés viennent au monde dans le camp. Les retombées qu'auront Zaatari sur leur enfance restent à voir.

Une chose est sûre : les témoignages d'espoir, de désespoir, de force et de frustration que nous avons entendus lors de cette visite sont aussi présents aujourd'hui que dans les premiers jours du camp.

 

Toby Fricker est un spécialiste des communications et membre de l’équipe d’intervention d’urgence. Il offre un soutien relatif aux communications et à la promotion de la préparation et de l’intervention lors de situations humanitaires.


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