La crise des réfugiés au Soudan : le périple de Marwa
Par Samreen Alkhair Mohamed Abuidris, spécialiste des communications, UNICEF
La journée du 15 avril a commencé comme n’importe quel autre samedi pour Marwa.
Elle a préparé le petit-déjeuner pour sa mère et son fils de 11 mois à leur maison d’Alsafa, non loin de l’aéroport de Khartoum. Marwa relate que la famille attendait avec impatience le retour de son mari, qui s’était rendu dans l’État de Kassala et devait revenir plus tard ce jour-là, avant les célébrations de l’Aïd tant attendues.
Aucun d’entre eux n’aurait pu imaginer le chaos et la dévastation qui allait suivre.
« Peu de temps après avoir mis mon fils au lit, j’ai commencé à entendre des bruits très forts à l’extérieur, précise Marwa. Ensuite, il y a eu une panne d’électricité. Nous nous sommes enfermés dans la maison en espérant que ce serait vite terminé. »
Mais l’électricité n’est pas revenue et les bruits de violents affrontements dans la ville se sont poursuivis.
« C’était impossible de dormir avec un tel vacarme. Mon fils se réveillait souvent effrayé. Il pleurait toute la nuit », dit-elle. Le lendemain, toujours pas d’électricité. « Nos téléphones ont commencé à perdre la connexion. »
Trois jours plus tard, le courant n’était toujours pas rétabli. « J’ai commencé à paniquer lorsque j’ai réalisé que tout ça n’était pas près de finir », explique Marwa.
Au fur et à mesure que les heures passaient, la famille craignait de plus en plus de manquer d’eau potable, de pain et d’autres produits de première nécessité. Malgré le danger, Marwa a décidé qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’essayer d’acheter des produits d’épicerie dans un magasin voisin. Ce fut une expérience terrifiante.
En sortant du magasin, elle a été prise dans des tirs croisés. Elle a cherché un abri derrière des arbres, en tentant de protéger les bouteilles d’eau qu’elle venait d’acheter. Un inconnu lui a proposé de lui faire écran avec sa voiture jusqu’à ce qu’elle soit hors de danger et puisse rentrer chez elle.
« Les bouteilles d’eau sont tombées sur le sol plusieurs fois, mais je ne pouvais pas les laisser parce que je n’en avais pas à la maison, dit-elle. Ma mère est diabétique, alors elle avait besoin d’eau pour prendre ses médicaments, et j’en avais besoin pour préparer des aliments pour mon fils. »
Rêves brisés
Comme d’autres familles, Marwa et son mari avaient des rêves ambitieux pour un avenir meilleur.
« Mon mari et moi avions tellement de projets avant que tout cela se produise, confie Marwa. Nous avons travaillé sans arrêt pendant un an et nous étions en train de planifier des vacances. J’étudiais également pour passer des examens en attendant une promotion au travail. »
Alors que les combats s’intensifiaient à Khartoum et que son mari était incapable de rentrer chez lui, la famille a réalisé qu’elle n’avait d’autre choix que de fuir. Quelques éclats d’obus atterrissant près de leur maison ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
« J’ai entendu un bruit très fort dans notre salon. Pendant un moment, j’ai pensé qu’une fusée était tombée dans le salon et que je trouverais mon fils et ma mère morts, raconte Marwa. Je ne sais pas comment j’ai trouvé le courage de regarder dehors. J’ai trouvé ma mère tenant mon fils dans une autre pièce. À ce moment, j’ai senti que je ne pouvais plus rester chez moi. »
Ne sachant où aller, quoi amener et quand ils pourraient revenir, Marwa a saisi quelques effets personnels, des médicaments et des vêtements, et elle et les siens ont rejoint des milliers d’autres familles qui fuyaient pour des raisons de sécurité.
« Nous nous préparions à déménager dans un autre appartement et à acheter de nouveaux meubles. Nous avons caressé plusieurs rêves, mais maintenant tout est fini. »
Un périple angoissant
Marwa décrit le voyage de Khartoum jusqu’en Égypte comme un mélange stressant et épuisant de chaleur, de faim, de peur, de nuits blanches et de piqûres de moustiques.
Le périple a commencé dans un vieil autobus délabré qui a été arrêté par des groupes armés. La prochaine étape du voyage a été marquée par des tarifs exorbitants, un accès limité ou inexistant aux installations sanitaires et un trajet de neuf heures ponctué de retards inexpliqués et durant lequel les passagers craignaient constamment d’être volés.
« Alors que nous attendions que l’autobus soit réparé la première fois, des gens ont couru vers nous en tenant des armes à feu, des bâtons et des couteaux, et ils nous ont dit qu’on nous observait depuis le village voisin », a raconté Marwa. « Ils ont ajouté qu’ils avaient pillé toutes les voitures qui passaient sur cette route. »
Finalement, les membres de la famille ont atteint la frontière de l’Égypte, mais leur épreuve n’était pas pour autant terminée. « Lorsque nous avons atteint la frontière, il y avait plus de 70 autobus devant nous. Nous y avons passé la nuit. Nous ne pouvions trouver qu’un seul lit, pour ma mère, alors mon fils et moi avons dû dormir sur une chaise. Mes frères dormaient par terre. »
Maintenant qu’elle se trouve dans un endroit sûr, Marwa confie qu’elle se sent impuissante, incapable d’aider ceux qui sont restés derrière.
« En tant que personne travaillant dans le domaine humanitaire, il m’a été très difficile de voir cette situation et de ne pas être en mesure d’aider », dit-elle en larmes. « Mon mari est toujours à Kassala, et nous n’avons aucune idée de la façon dont nous serons réunis. Nous n’avons pas encore trouvé la solution à ce problème. »
L’UNICEF intervient sur le terrain au Soudan et dans les pays limitrophes du conflit en fournissant aux familles de l’eau, des aliments et des soins de santé, en assurant la protection des enfants et en offrant d’autres fournitures essentielles. Apprenez-en davantage sur notre travail de mise en place d’espaces sûrs et de services de soutien en santé mentale pour les enfants qui ont fui en Égypte.