Au Soudan du Sud, trois années de conflit ont eu de terribles conséquences pour des millions d’enfants et de femmes d’un bout à l’autre du pays. En raison de la violence qui a éclaté en décembre 2013, près de 3,1 millions de Sud-Soudanaises et de Sud-Soudanais, dont près de la moitié sont des enfants, ont été forcés de fuir leur domicile.
Plus de 9 000 enfants sont enregistrés comme étant séparés de leur famille, et plus de 17 000 autres auraient été recrutés par les groupes armés depuis le début du conflit. Selon les estimations actuelles, au moins un million d’enfants âgés de moins de cinq ans sont gravement dénutris, plus de 300 000 d’entre eux étant au bord de la famine.
En décembre dernier, le Canadien Michael Bociurkiw, un ancien porte-parole de l’UNICEF et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, a voyagé au Soudan du Sud afin de rendre compte de la situation des femmes et des enfants dans le pays.
Marina se tient à l’extérieur d’une école soutenue par l’UNICEF au site de protection des civils de Bentiu, dans l’État d'Unité, dans le nord du Soudan du Sud, et parle de ses rêves pour l’avenir.
Comptant parmi les trois millions de civils déplacés par trois années de terrible violence dans le pays, la jeune fille âgée de 18 ans s’apprête à rejoindre ses camarades pour passer son examen final du primaire. Elle semble aussi déterminée et prête que possible.
Marina est le parfait exemple de jeune Sud-Soudanaise qui a fait les choses en suivant les règles. Elle a de grands rêves et affirme vouloir étudier à l’étranger pour devenir médecin, puis revenir chez elle pour prendre soin de son peuple.
Ses matières préférées sont les mathématiques et l’anglais. « Dieu fasse que mon rêve se réalise. Je veux aller à Kampala afin de poursuivre mes études », dit-elle.
Marina dit que, en tant que jeune femme, elle est censée s’occuper des tâches ménagères. Ses parents désirent la voir réussir; ils l’ont donc libérée de certaines responsabilités. Il y a malheureusement peu de chances que sa famille puisse réunir les fonds nécessaires pour qu’elle termine ses études.
Avec sa soif d’apprendre, Marina représente bien les enfants de Bentiu. Ils se précipitent chaque jour en classe en transportant des chaises de fortune, des réchauds, des seaux d’eau, bref, tout ce qui leur permet de s’asseoir confortablement et de passer toute une journée à l’école.
La violence ne semble pas sur le point de cesser
Mis à part l’école, il y a peu de choses à faire dans le camp pour les filles comme Marina. Elle dit avoir peur de sortir la nuit.
De nombreuses mères disent qu’elles ne peuvent servir qu’un repas par jour à leur famille, et qu’il est trop dangereux de sortir du site de protection des civils pour trouver de la nourriture. Elles n’exagèrent pas. Lorsque nous avons visité la capitale étatique voisine de Rubkona, nous avons constaté des tactiques de terre brûlée : toutes les maisons étaient réduites en cendres et il y avait aussi des signes de fosses communes.
La situation actuelle au Soudan du Sud équivaut à une catastrophe pour les enfants. La violence ne semble pas être sur le point de cesser, en fait elle se propage, et des conditions de famine apparaissent dans certaines régions. Les enfants restent les personnes les plus vulnérables. C’est un miracle dans certains cas que les familles aient pu atteindre ce refuge : beaucoup d’entre elles ont dit avoir marché pendant trois à cinq jours, et avoir été volées et harcelées en cours de route par des hommes armés.
Lorsque des déplacements se produisent à une telle échelle, il est inévitable que des familles se trouvent séparées.
En décembre 2016, environ 9 000 enfants étaient séparés de leurs parents. À son apogée, ce nombre s’élevait à 14 000 enfants séparés. Grâce à un programme de traçage et de réunification des familles, l’UNICEF a réussi à réduire ce nombre de près de 5 000 par simple diligence et persévérance.
Juste avant Noël, un groupe de journalistes étrangers et moi-même avons eu le plaisir d’assister à la réunion d’une mère âgée de 27 ans, du site de protection des civils de Bentiu, avec ses trois enfants âgés de 3 ans, 4 ans et 7 ans. Ce fut une réunion chargée d’émotions, en particulier lorsque Kim Jial, l’agent de l’UNICEF en matière de protection de l’enfant, a remis les enfants à leur mère.
« Aujourd’hui, je vais repartir avec un sourire heureux et le sentiment que la mission a été accomplie », a déclaré le chef du bureau de terrain de l’UNICEF, Mustapha Ben Massaoud, en attendant l’arrivée de la famille sur une piste d’atterrissage en terre non loin de Bentiu.
La participation de l’UNICEF au traçage et à la réunification des familles est une approche complète et globale, le personnel étant intimement impliqué dans chaque phase de la réunification, du traçage initial et de l’identification à l’organisation du voyage et au suivi des soins et de la protection. Le personnel de l’UNICEF accompagne fréquemment les enfants lors du voyage de retour vers leur famille, afin de s’assurer que la réunification est bel et bien effectuée. C’est un travail que l’organisme d’aide à l’enfance prend très au sérieux.
La démobilisation d’enfants soldats est un autre aspect important des opérations de traçage et de réunification des familles. Plus de 17 000 enfants auraient été recrutés par les groupes armés depuis le début du conflit, et, bien que 1 900 d’entre eux aient été libérés, 1 300 autres ont été recrutés en 2016. Et ce, malgré le fait que les deux principales parties prenant part au conflit, à savoir l’APLS et l’APLS dans l’opposition, ont toutes deux signé des accords avec les Nations Unies pour prévenir et mettre fin au recrutement et à l’utilisation d’enfants.
Un travail énorme pour l’UNICEF et ses partenaires
Pour l’UNICEF, le travail de réunification est fastidieux, car il nécessite de nombreuses étapes de protection, de même que la prestation de services d’éducation, d’alimentation et de santé dès la libération des enfants. « À l’UNICEF, nous trouvons le processus extrêmement lent, mais nous avons tout de même réussi à démobiliser 1 900 enfants qui étaient auparavant associés à des groupes armés », explique Mustapha Ben Massaoud.
L’UNICEF dispose de dix bureaux au Soudan du Sud, et son bureau de terrain à Bentiu coordonne le soutien pour l’école de Marina. Près de 120 000 civils résident dans le site de protection des civils de Bentiu, et ce nombre augmente chaque jour. Unité est le deuxième État le plus touché par l’insécurité alimentaire. En 2016 seulement, l’UNICEF et ses partenaires ont admis 184 000 enfants pour être traités contre la malnutrition sévère. Cela représente une augmentation de 50 pour cent par rapport au nombre d’enfants traités en 2015, et une augmentation de 135 pour cent par rapport à 2014.
Malgré la lourde charge de travail, l’UNICEF ne dispose que de quelques membres de son personnel à Bentiu, une grande partie du travail étant effectuée par des partenaires, y compris l’entreposage. Cette stratégie permet non seulement à l’UNICEF d’accroître la capacité de ses partenaires locaux, mais aussi de maintenir une stratégie de sortie une fois la situation d’urgence terminée.
L’UNICEF essaie d’étendre ses interventions au-delà des frontières du site de protection des civils de Bentiu, mais la sécurité, les conditions climatiques et d’autres obstacles doivent également être pris en considération.
Depuis mon retour au Canada, on m’a souvent demandé : « Pourquoi le Soudan du Sud? » De solides arguments justifient ce choix, comme soutenir le pays et le travail de l’UNICEF et de ses partenaires. Outre les interventions qui permettent véritablement de sauver des vies, le Soudan du Sud, qui dispose de peu de systèmes, d’infrastructures et d’institutions en place, a besoin d’un soutien important pour éviter de sombrer dans un conflit prolongé.
Beaucoup de ressources ont été investies au cours des cinq dernières années afin de mieux soutenir les droits des femmes et des enfants, de même que leur santé et leur bien-être. Cet investissement doit être soutenu et protégé. Il suffit d’assister aux activités psychosociales soutenues par l’UNICEF pour voir comment sortir les enfants du conflit immédiat qui les entoure.
« Nous pouvons en faire beaucoup ici, et tout ce que nous faisons engendre des retombées immédiates », ajoute Mustapha Ben Massaoud.
Quelques faits en bref
- En 2016, quelque 6,1 millions de personnes, soit la moitié de la population du Soudan du Sud, avaient besoin d’aide humanitaire. Environ 3,1 millions de Sud-Soudanaises et de Sud-Soudanais ont été forcés de fuir leur domicile, et près de 1,3 million d’entre eux ont traversé les frontières en tant que réfugiés. Les enfants comptent pour la moitié des personnes réfugiées.
- Plus de 200 000 personnes vivent dans les sites de protection des civils établis au Soudan.
- Une école sur quatre est fermée, et moins de la moitié des enfants en âge de fréquenter l’école sont actuellement scolarisés, ce qui représente la proportion la plus élevée à l’échelle mondiale.
- Selon les estimations, plus de 362 000 enfants souffrent de malnutrition sévère aiguë, et plus d’un million d’enfants âgés de moins de cinq ans seraient gravement dénutris.
- Moins de la moitié de la population a accès à de l’eau potable.
- Près d’un million d’enfants souffriraient de détresse psychologique en raison de la violence et des déplacements.
- Malgré les énormes difficultés, les organisations humanitaires ont apporté en 2016 une aide essentielle à près de 4,7 millions de personnes.
- Grâce au soutien des donatrices et donateurs, dont le Canada, l’UNICEF a traité depuis janvier 2016 plus de 150 000 enfants souffrant de malnutrition sévère aiguë au Soudan du Sud. L’UNICEF soutient également la formation de travailleuses et de travailleurs de la santé afin de reconnaître, de traiter et de gérer les cas de malnutrition sévère.
- En 2015 et 2016, l’UNICEF et ses partenaires ont renvoyé plus de 650 000 enfants à l’école. Dans le cadre de l’initiative Retour à l’apprentissage, 315 000 autres enfants ont été inscrits à l’école en 2016, près de la moitié d’entre eux étant des filles.
- En collaboration avec ses partenaires, l’UNICEF a pu offrir plus de 1,5 million de consultations médicales en 2016, dont plus d’un tiers à des enfants âgés de moins de cinq ans.
- En 2016, l’UNICEF et ses partenaires ont permis à plus de 740 000 personnes au Soudan du Sud d’avoir accès à de l’eau potable.
- En 2016, l’UNICEF est venu en aide à plus de 100 000 femmes, grâce à des services d’intervention et de prévention de la violence faite à leur égard.
- L’année dernière, l’UNICEF et ses partenaires ont procuré des installations sanitaires à plus de 250 000 personnes d’un bout à l’autre du Soudan du Sud.
Vous pouvez aider l’UNICEF à procurer une aide vitale aux enfants vulnérables du Soudan du Sud en cliquant ici.