Publié par :
David Morley
25 avril, 2017
L’un de mes souvenirs les plus marquants depuis le début de cette interminable guerre est celui d’une jeune réfugiée syrienne âgée de 12 ans, que j’ai rencontrée à Duhok, au Kurdistan, en Iraq. Elle n’avait pas été à l’école depuis trois ans… et ne savait plus lire. Quel espoir peut entretenir une société qui laisse ses enfants oublier leurs acquis scolaires?
Pour aider à pallier cette situation, qui affecte les enfants réfugiés syriens dans toute la région, l’UNICEF a ouvert en Jordanie les centres Makani. Ces centres d’apprentissage intégrés offrent aux enfants et aux jeunes un accès à l’éducation et à des services essentiels. On compte aujourd’hui plus de 230 de ces centres communautaires qui donnent aux enfants non scolarisés une chance de reprendre l’école.
L’an dernier, le gouvernement de la Jordanie a pris une grande décision. Il a ouvert les portes de ses écoles publiques à tous les enfants vivant en sol jordanien, même s’ils n’avaient pas de papiers, et peu importe leur nationalité. UNICEF Jordanie a travaillé de près avec le ministère de l’Éducation pour former le personnel enseignant. Nous avons contribué à améliorer les salles de classe et à procurer des fournitures scolaires.
Les centres recevaient cependant beaucoup moins d’enfants que prévu. « Nous avions les fournitures et nous savions que les enfants avaient besoin de nous, mais où étaient-ils passés? »
Nous avons alors créé une équipe de travailleuses sociales et de travailleurs sociaux liés aux centres Makani pour visiter les quartiers où vivent les familles syriennes. Lors de mon voyage en Jordanie, j’ai rencontré deux de ces travailleuses sociales, Fatima et Rawan. Ces énergiques jeunes femmes ont été dûment formées pour ce travail et croient fermement que tous les enfants doivent avoir la possibilité d’être scolarisés.
« Nous avons fait du porte-à-porte pour trouver les enfants qui n’allaient pas à l’école. Certaines familles avaient peur de nous ouvrir la porte, car elles n’ont pas de papiers. En certaines occasions, nous-mêmes avions peur, car nous ne savions pas qui nous trouverions derrière la porte. Ce sont des quartiers durs », explique Rawan.
Elles ont finalement découvert les raisons pour lesquelles les enfants n’étaient pas à l’école : une de ces raisons était l’âge. « Beaucoup de parents ne voulaient pas que leur enfant de 12 ans soit en classe avec un élève de 8 ans. Leur enfant aurait été embarrassé et ne se serait pas senti à sa place. Mais ces enfants venaient de manquer trois ou quatre ans de scolarité, ils ne pouvaient pas aller dans une classe régulière avec des élèves de 12 ans », ajoute Rawan.
Fatima poursuit : « Dans les centres Makani, nous avons des programmes d’apprentissage accélérés, les enfants peuvent donc rattraper les élèves de leur âge. Les premiers enfants à fréquenter les centres Makani sont devenus nos plus fiers ambassadeurs auprès de leurs amis. Nous avons organisé des fêtes avec des chapeaux et des t-shirts, et avons parlé des centres à tout le monde. Nous accueillons beaucoup plus d’enfants aujourd’hui ».
Et ce n’est pas étonnant : les centres Makani sont des endroits extraordinaires. En plus de lire et d’écrire, les enfants peuvent y pratiquer le karaté, créer des mosaïques et jouer au soccer. La ministre du Développement international du Canada, Marie-Claude Bibeau, a visité avec un bel entrain la classe de karaté... pas de doute, elle s’y connaît! De mon côté, j’ai aidé un jeune garçon lors d’un atelier de mosaïques, pour ensuite le voir réparer patiemment le gâchis que j’avais fait de son travail...!
« Évidemment, ces ateliers sont bien plus que du jeu. Ils font partie du soutien psychosocial dont ces jeunes ont besoin. Plusieurs d’entre eux souffrent de traumatismes engendrés par ce qu’ils ont vécu, ce qui se traduit par de la violence et des comportements inappropriés. Nous utilisons ces jeux pour les aider à acquérir des habiletés d’adaptation, à apprendre à jouer ensemble et à utiliser des moyens non violents pour s’exprimer », explique le Canadien Rob Jenkins, un représentant d’UNICEF Jordanie.
Les centres Makani préparent de plus en plus d’enfants pour l’école régulière. Une mère nous désigne un de ces enfants, une fillette d’environ neuf ans. « Leyla est venue au centre Makani et maintenant elle va à l’école. Elle a commencé la semaine dernière, et depuis, elle porte son uniforme scolaire jour et nuit. Elle ne veut plus l’enlever! »
Il y a un an, le gouvernement du Canada annonçait qu’il jumèlerait tous les dons faits aux organismes de bienfaisance canadiens pour venir en aide aux Syriens et Syriennes dans la région. Le Fonds de secours d’urgence pour la Syrie a recueilli plus de 30 millions de dollars. Il a été confié à l’UNICEF pour soutenir les centres Makani et pour tenir des campagnes d’éducation et de vaccination en Syrie. Nous avons une grande responsabilité envers les donatrices et donateurs canadiens et envers les enfants et les familles qui essaient de rebâtir leur vie. Si le travail attentionné, inclusif et sensible que j’ai observé en témoigne, la confiance accordée à l’UNICEF ici en Jordanie a été très bien placée.
David Morley est le président et chef de la direction d’UNICEF Canada. Il a récemment accompagné la ministre du Développement international Marie-Claude Bibeau en Jordanie, afin de constater le travail effectué dans le cadre du programme de l’UNICEF pour les enfants syriens réfugiés, qui est soutenu par le Fonds de secours d’urgence pour la Syrie. UNICEF Canada remercie le gouvernement du Canada pour son généreux soutien.