Photo d’enfance de Harantxa.

Par Harantxa Jean, participante au Programme jeunesse de défense et de promotion des droits d’UNICEF Canada 

Ceci est l’histoire d’une fille.

Elle est née sous un ciel glacial, le vent froid du Canada mordant la peau de sa mère. En tant que première fille d’immigrants, sa mère lui rappelait souvent « Pa janm vin yon flè san odè » (ne deviens jamais une fleur sans parfum).

Car grandir malgré les coups de pied, s’élever malgré les tribulations de l’existence, c’est ce qui fait de la vie et des fleurs des allégories les unes des autres dans la culture haïtienne. « La résilience et l’ingéniosité sont des parfums que nous portons avec fierté. Venir à nous et ne pas sentir leur arôme, c’est comme cueillir une rose sans odeur : un potentiel gâché », poursuit sa mère.

Avec ce proverbe à l’esprit, la fille a grandi ayant pleinement conscience que sa vie était un témoignage des sacrifices de celles et ceux qui l’ont précédée. Ses parents, conscients des difficultés liées au fait de vivre dans une région à prédominance blanche, lui ont inculqué les graines du possible, soulignant qu’aucune sous-estimation de la part des autres ne devrait l’empêcher de réaliser son potentiel; que le parfum de ses capacités émanerait de la grandeur.

Et elle les croyait.

Mais rien ne la préparait à ce premier trajet en autobus vers l’école, car elle allait être confrontée à la discrimination de ses camarades de classe avant même d’essayer de s’asseoir sur le banc.

Âgée de seulement cinq ans, elle ignorait que sa race et son histoire d’oppression la précédaient dans chaque pièce.

Impuissante, elle regarda dans le rétroviseur, cherchant l’intervention du conducteur à l’air compatissant. L’anticipation emplit l’air lorsqu’il entrouvrit les lèvres, pour la décevoir en restant silencieux.

À ce moment-là, elle a compris que le silence revenait à choisir le camp de l’oppresseur. Sous sa nature prétendument protectrice, le système était imparfait, et même complice de la perpétuation de l’injustice.

Une fois avoir pris conscience de cela, elle a juré de dépasser le dicton de sa mère en ne se contentant pas d’une rose alors qu’elle pouvait s’efforcer d’avoir le bouquet tout entier. Son objectif ne serait pas de défendre ses intérêts, mais les intérêts de celles et ceux dont les difficultés reflétaient les siennes.

Les marginalisés.
Les victimes de répression policière.
Les oubliés.
Et de choisir de surmonter ces difficultés.

La petite fille de l’histoire, c’est moi, Harantxa Jean, une jeune défenseure des droits basée à Montréal.

En grandissant, j’ai repris le contrôle de la plume de l’oppression qui tentait de raconter mon histoire et j’ai commencé à écrire la mienne.

Grâce au Programme jeunesse de défense et de promotion des droits d’UNICEF Canada, j’ai passé la dernière année à transformer mes convictions en actions. Je me suis employée à démanteler le racisme systémique en formulant des recommandations politiques visant à lutter contre la discrimination qui continue d’entraver les professionnelles et professionnels noirs.

Pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs, j’invite les jeunes Noirs de partout au Canada à agir eux aussi. Le monde peut essayer de vous effacer de ses pages, mais c’est vous qui tenez l’encrier.

Nous avons besoin que les décideurs rectifient les obstacles auxquels nous faisons face en reconnaissant que les jeunes Noirs ne sont pas seulement des bénéficiaires des politiques, mais des contributeurs actifs qui ont les capacités et les connaissances nécessaires pour réimaginer une société plus juste.

Alors, à toutes les filles et à tous les garçons noirs, que vous soyez nés sous une pluie de flocons de neige ou sous la chaleur du soleil, choisissez de devenir la fleur qui éclot dans le béton. Que le parfum de votre ambition soit indéniable. Laissez-le persister dans les salles de classe, les salles de conseils d’administration, les industries et les institutions où votre présence a longtemps été négligée. Prenez de la place et brandissez votre plume comme un bouclier.

L’histoire des Noirs ne se limite pas à un mois. Comme le dit Octavia Butler, « à vous de la relater et d’y intégrer votre histoire ». 

« La discrimination [et le racisme] limitent notre avenir en tant que travailleuses, travailleurs, dirigeantes et dirigeants, mais nous continuons à nous élever et à militer pour les surmonter. » — Citation d’Harantxa Jean, participante au Programme jeunesse de défense et de promotion des droits d’UNICEF Canada, dans le livret stratégique Ré-imagine 2024.