PORTEUR DU FLAMBEAU DE L’ESPOIR ET DE LA FIERTÉ
Par Delaney, 23 ans, Nunavut – Défenseur de la jeunesse pour UNICEF Canada
Je me souviens, lorsque j’étais enfant, d’avoir découvert ce que signifiait le terme « transgenre ». J’étais à peine âgée d’une dizaine d’années et j’avais rencontré une personne qui commençait son parcours transgenre. Troublée, je suis allée voir ma mère. Elle a tenté de son mieux de m’expliquer le concept avec compassion et bienveillance, malgré sa propre confusion et son manque de familiarité avec le sujet. L’enfant indépendante et passionnée de nouvelles connaissances que j’étais s’est sentie insatisfaite. J’ai donc fait ce que je faisais souvent : je me suis tournée vers l’internet pour trouver d’autres renseignements. Cela m’a conduit à un long sentier de découvertes et d’étiquettes, sur lequel j’ai appris ce que signifiait le fait d’être transgenre.
C’est comme si j’avais appuyé sur un interrupteur et que l’ampoule s’était mise à clignoter au-dessus de ma tête alors qu’elle commençait à prendre vie. Transgenre. S’identifier à un genre différent de celui que l’on a à la naissance. Un mot doté d’une définition simple, mais qui m’a pourtant donné l’impression de bouleverser tout mon univers.
Une grande émotion m’a envahie, alors que les lignes commençaient à se connecter et que les choses commençaient à cliquer et à se mettre en place. Il y avait un mot pour cela. Un mot pour ce sentiment étrange et troublant qui avait marqué toute mon enfance. Ces rêves que je faisais chaque nuit; l’endroit où je naissais garçon et où rien d’autre n’était différent; tout cela a commencé à avoir tellement plus de sens. Je me sentais ébranlée jusqu’au plus profond de moi-même, mais soudainement entière, d’une façon que je n’avais jamais ressentie auparavant. Je n’étais pas seule. Non seulement il y avait des mots pour décrire cette expérience qui m’avait paru si inhabituelle, mais il y avait aussi d’autres personnes dans le monde entier qui se sentaient comme moi. C’était comme si un tout nouveau monde s’était ouvert devant moi, comme si un pont s’était construit à mes pieds pour m’emmener dans ce tout nouvel univers de compréhension.
À partir de ce moment-là, en privé, je me suis qualifiée de garçon. J’ai commencé à utiliser un autre nom dans les réseaux sociaux, à indiquer mon sexe comme « masculin » et mon pronom comme « il ». C’était comme si je vivais une double vie, comme une sorte d’agent secret. Je désirais ardemment dire au monde qui j’étais, mais des histoires d’horreur me montaient à l’esprit. Des histoires d’enfants aux parents qui semblaient aimants et accueillants à l’égard des personnes queers, jusqu’au jour où leur propre enfant s’est identifié comme tel et que leur univers s’est complètement effondré. Cette angoisse s’est infiltrée profondément en moi et m’a maintenue fermement dans le placard pendant de nombreuses années après cette révélation bouleversante.
Ce n’est que cinq ans plus tard que j’ai ressenti assez de courage pour faire face à la vérité. À ce moment-là, j’ai même obtenu de l’aide de mon thérapeute spécialisé dans les problématiques liées au genre. Il a invité ma mère à s’asseoir et lui a expliqué la situation dans les termes les plus simples possibles; c’est là que j’ai eu l’impression que mon monde commençait vraiment à changer dans le sens que je souhaitais.
Aujourd’hui, je vis ma vie en tant que personne transgenre, non binaire. Je passe mon temps à militer pour le changement et pour la protection des droits d’autres personnes comme moi, même si le monde devient graduellement un endroit de plus en plus effrayant. Je sais au fond de moi que nous ne pouvons pas abandonner ou laisser la haine gagner. Être transgenre est une merveilleuse expérience. Apprendre à s’aimer soi-même quand on est élevé dans un monde qui repose sur la haine, c’est vraiment un mouvement de bravoure. Je sais que la haine ne gagnera pas et que l’amour, la bonté et l’espoir repousseront les frontières, même si elles se resserrent.
La fierté que j’éprouve à l’égard de moi-même et des autres personnes transgenres m’anime, à mesure que des avancées sont réalisées et que les hommes et les femmes partagent leurs vérités. Même si le monde affiche une attitude de plus en plus froide, je choisis d’être un symbole de chaleur et de sécurité pour les personnes comme moi, en agissant comme porteur du flambeau de l’espoir et de la fierté. Je crois que lorsque nous nous rassemblons, nous avons la force de changer le monde, même si ce monde est aussi petit que celui d’un enfant transgenre qui contemple le premier mot résonnant vraiment en lui.