Réfugiés syriens : quand il n’y a nulle part où aller
Il commence à pleuvoir ici. La semaine dernière, Kawthar et sa petite fille Barcham avaient une maison. Aujourd’hui, elles vivent sous une tente. La pluie tombe doucement, mais le vent souffle fort, fouettant sauvagement les pans de la tente alors que nous prenons place à l’intérieur. Cette tente est l’un des nombreux abris qui ont été installés au cours des derniers jours dans le camp de Barderash, dans le nord de l’Iraq, non loin de la frontière syrienne.
La petite Barcham, âgée de deux ans, et sa mère Kawthar sont originaires de la ville de Ras al‑Aïn, en Syrie. Située près de la frontière turque, cette ville est devenue un point névralgique dans le cadre du récent conflit, forçant de nombreuses familles qui y vivaient à fuir. Environ 176 000 personnes (dont près de 80 000 enfants) ont été déplacées dans le nord-est de la Syrie au cours des deux dernières semaines seulement.
Kawthar, 25 ans, se souvient du jour où elle a fui Ras al-Aïn:
« Les bombes tombaient du ciel devant nos yeux, alors j’ai pris ma fille et j’ai couru. Tout ce qu’on entendait, c’était le bruit des bombardements. À mesure que nous avancions, les obus explosaient devant nous. Nous avons pleuré, car nous ne savions plus où aller. »
Comme beaucoup d’autres familles touchées par la crise actuelle, la famille de Kawthar a été déplacée à plusieurs reprises.
« Partout où nous allons, c’est la guerre. »
« Nous sommes allées à Darbasieh (municipalité du nord de la Syrie), puis à Hassakah (ville du nord de la Syrie), et les attaques se sont poursuivies. Il n’y avait aucun autre endroit où aller », explique Kawthar. Elle a donc pris la difficile décision de fuir en Iraq. Les postes frontaliers officiels ne sont généralement pas ouverts aux Syriens, si bien que de nombreuses familles qui veulent fuir sont obligées de payer des passeurs pour traverser la frontière. C’est un voyage difficile et risqué. Kawthar nous a confié que Barcham a pleuré pendant tout le chemin. La petite fille est maintenant assise tranquillement sur les genoux de sa mère, tenant un paquet de biscuits d’une main et tentant de toucher la joue de sa mère de l’autre. « Il fallait que je parte pour son bien à elle. Vous ne pouvez pas imaginer la situation dans laquelle se trouvent nos enfants », explique doucement Kawthar.
Lorsqu’on lui demande quel est son plus grand souhait pour sa fille, Kawthar ne comprend pas la question. Ce n’est peut-être pas le bon moment pour parler des grands espoirs. Sauf un matelas, un petit sac à dos (de la taille d’un sac d’école) et quelques articles de secours entassés dans un coin, la tente dans laquelle nous nous trouvons est vide. Comme la plupart des familles qui ont traversé la frontière à pied, Kawthar n’a pas apporté grand-chose. « J’ai seulement pris trois vêtements de rechange pour Barcham, j’ai mis mon sac sur mon dos et nous nous sommes enfuies », dit-elle. Les agences humanitaires ont fourni aux familles quelques articles de première nécessité comme des ustensiles de cuisine et des matelas, et l’UNICEF prévoit de distribuer des trousses de produits d’hygiène plus tard dans la journée.
« Bon nombre d’enfants qui sont maintenant à Baraderesh venaient de retourner à l’école pour la nouvelle année scolaire quand les actes de violence ont commencé. Ils ont dû laisser derrière eux tout ce qu’ils avaient et fuir en lieu sûr. Ils sont sans doute angoissés et en état de choc. L’UNICEF travaille sans relâche pour mettre en place des services de base dans le camp, y compris des installations éducatives et des espaces adaptés aux enfants où les jeunes peuvent apprendre et jouer en toute sécurité, et où ceux et celles qui ont des besoins particuliers peuvent recevoir des soins spécialisés », explique Hamida Lasseko, représentante de l’UNICEF en Iraq.
Selon les responsables de la direction du camp, ce campement (qui avait été aménagé originalement en 2015 pour les familles irakiennes fuyant Mossoul) était vide depuis deux ans, mais a été rouvert il y a quelques jours, cette fois, pour les familles fuyant le conflit sévissant au nord de la Syrie. À l’heure actuelle, plus de 2 000 personnes vivent dans le camp, et environ 700 personnes arrivent chaque jour. Le camp bourdonne d’activités, et on entend le bruit des pelles et des gens qui travaillent pour défricher le sol et monter des tentes. Des jeunes hommes dans la tente voisine de celle de Kawthar aident les familles qui vivent dans les abris à proximité : ils ramassent les ordures sur le sol et installent une rangée de briques à l’avant des tentes, comme de petits porches. De cette façon, lorsque cette pluie transformera la terre autour des tentes en boue, les enfants ne glisseront pas lorsqu’ils entreront et sortiront de leur habitation.
Il s’agit de petits espoirs et de petits objectifs, pour l’instant du moins. Le plus grand espoir de Kawthar pour sa fille?
« Je veux que ma fille ait une vie heureuse, une bonne vie, et qu’elle ne soit pas confrontée à la guerre. Je veux que ma fille vive dans un environnement confortable et sécuritaire. C’est tout ce que je désire. Je ne veux rien d’autre », dit-elle doucement.