Séisme en Haïti: 3 questions à Yama Laurent
À la suite du tremblement de terre du 14 août dernier en Haïti, nous nous sommes entretenus avec Yama Laurent, grande gagnante de l’édition 2018 du concours de chant « La Voix » et ambassadrice d’UNICEF Canada. Ce séisme de magnitude 7,2, qui a secoué le sud de sa terre natale, évoque de douloureux souvenirs pour elle.
Lors du tremblement de terre de 2010, sa maison s’était effondrée, tuant ses deux petites sœurs et blessant gravement sa belle-mère. Elle a alors œuvré comme bénévole dans des campements de fortune de l’UNICEF en Haïti. Plusieurs années plus tard, elle s’est envolée seule vers le Canada, laissant sa famille et ses proches derrière elle. Découvrez son histoire ainsi que le message d’espoir qu’elle souhaite transmettre aux siens.
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Qu’évoque pour vous le tremblement de terre de 2010 dont votre ville natale, Léogâne, était l’épicentre?
J’avais 20 ans à l’époque. J’habitais alors dans la maison de mon père à Léogâne. Lors du tremblement de terre, j’ai perdu mes deux petites sœurs, âgées de trois et cinq ans. Je me souviens également avoir soulevé des débris afin d’extirper ma belle-mère des décombres. Je ne sais pas où j’ai trouvé la force de le faire, mais je l’ai fait.
Je me suis ensuite retrouvée dans un campement de fortune mis sur pied par l’UNICEF. Chaque jour, on y distribuait de l’eau potable et de la nourriture prête à être consommée. Il y avait également des secouristes qui sont venus en aide à ma belle-mère, qui a dû recevoir des soins d’urgence car elle avait perdu un de ses bras.
J’ai moi-même fait du bénévolat dans plusieurs campements de fortune de l’UNICEF, et ce, durant quatre à cinq mois après le tremblement de terre, avant que le choléra ne se propage. Je n’oublierai jamais l’aide que l’UNICEF nous a apporté à ce moment-là de ma vie, alors que je n’avais pas de toit.
Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez appris, le 14 août dernier, qu’un autre tremblement de terre avait secoué votre pays natal?
Soupir. Tous mes souvenirs se sont bousculés. La journée du mardi 12 janvier 2010 m’est soudainement revenue en mémoire. On dirait que j’étais de retour en 2010. Je ressentais les mêmes choses et j’avais les mêmes pensées.
Je me suis également dit que ça allait être pire encore puisque le tremblement de terre a eu lieu dans le sud du pays. Dans le sud, contrairement à la zone métropolitaine, il y a encore moins de services et de main d’œuvre. Il y a moins de médecins, moins d’infirmières et moins de secouristes. Et puis, les routes sont difficilement praticables. Ça va être tellement difficile de secourir tous les gens qui ont besoin d’aide médicale urgente.
Ma famille n’a pas été directement touchée par ce nouveau tremblement de terre. Mais ma mère a peur. Elle dort à l’extérieur la nuit et refuse de franchir les murs de notre maison. Elle a peur que le sol ne tremble encore une fois. Elle a peur des répliques.
Quel message souhaitez-vous transmettre à vos compatriotes en Haïti?
Je veux leur transmettre un message d’espoir. C’est un peuple fort et extrêmement résilient. C’est un peuple qui peut se battre. C’est un peuple qui est resté debout après deux cents ans de misère, de calamité et d’adversité. C’est vraiment un peuple solide.
Je leur offre tout mon soutien. Je veux leur dire que je suis avec eux. Il faut rester solidaires et ne pas lâcher. Parce que si on lâche, on ne pourra pas vous aider. Il ne faut surtout jamais lâcher.