Que feriez-vous si, une fois par mois pendant cinq jours, on vous interdisait de socialiser avec vos amis; de cuisiner, de pratiquer des sports ou d’aller à l’école; de dormir sur des lits ou tout simplement de sortir?

Dans de nombreuses régions de l’Inde, c’est pourtant une réalité pour les filles lorsqu’elles ont leurs règles. Selon la croyance populaire, le sang perdu lors des menstruations est impur, et les activités quotidiennes sont donc interdites. Le tabou qui entoure la menstruation signifie également que de nombreuses filles n’apprennent rien chez elles ni à l’école à propos de leurs règles ou de l’hygiène menstruelle.

Ces interdictions, en plus d’être malsaines et injustes, renforcent l’exclusion et l’inégalité entre les sexes, ce qui entrave davantage l’autonomisation des femmes et des filles.

« Je n’étais pas à l’aise d’aller dehors pendant mes règles. Je me sentais inférieure à cause de la croyance traditionnelle qui disait que la menstruation était quelque chose de sale. »

L’État indien du Jharkhand est l’une des régions où ces idées fausses sur la menstruation sont largement répandues. Lors d’une étude menée par l’UNICEF en 2013, la majorité des filles ont déclaré que leur mère leur imposait des interdictions lorsqu’elles avaient leurs règles. Quatre-vingt pour cent ignoraient l’importance de laver les linges menstruels.

Depuis peu, ces croyances et ces comportements commencent toutefois à changer. Cela est dû en grande partie aux mouvements lancés localement par des femmes à la suite d’une initiative nationale d’assainissement visant à mettre fin à la défécation en plein air d’ici octobre 2019. Comme il n’y avait pas assez de constructeurs qualifiés au Jharkhand pour construire des toilettes, l’État a mis sur pied un programme de formation des femmes en tant que rani mistri (maçonnes).

Le programme a non seulement permis à l’État du Jharkhand de mettre fin à la défécation en plein air, mais aussi d’autonomiser plus de 55 000 femmes qui utilisent maintenant leur liberté économique pour élever la prochaine génération de filles.

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Raimuni et son mari se tiennent devant les toilettes qu’elle a construites pour eux. Depuis qu’elle est devenue une rani mistri, elle a contribué à transformer le discours sur la menstruation dans sa ville. [© UNICEF India/2019/Bhardwaj]

Elle fait partie de la croisade pour l’assainissement

Raimuni, qui est âgée de 28 ans, vit à Jharkhand avec son mari et sa fille. Bien qu’elle soit allée à l’école avant de se marier, elle n’avait jamais travaillé à l’extérieur de chez elle jusqu’à ce qu’elle suive une formation pour devenir une rani mistri. Cela a été en partie attribuable à la menstruation.

« Je n’étais pas à l’aise d’aller dehors pendant mes règles. Je me sentais inférieure à cause de la croyance traditionnelle qui disait que la menstruation était quelque chose de sale », dit-elle.

Motivée par l’objectif de mettre fin à la défécation en plein air dans son État, elle a suivi une formation intensive pour construire des toilettes, et est devenue une rani mistri qualifiée. Elle a commencé par en construire une chez elle.

Lorsqu’elle a été promue maître-formatrice et est devenue chef d’un groupe d’entraide, elle a jugé qu’il était aussi très important de sensibiliser la population à la santé menstruelle. Elle a réuni un groupe de rani mistris et a organisé des discussions hebdomadaires sur la gestion de l’hygiène menstruelle.

Elles ont expliqué aux parents de la communauté comment utiliser sans danger des linges sanitaires absorbants. Avant, beaucoup de filles et de femmes utilisaient les mêmes linges à plusieurs reprises, sans savoir comment les nettoyer correctement. Elles ont aussi cherché à dissiper les mythes sur la menstruation, et à encourager les filles et les femmes à aller à l’école et à travailler, même pendant leurs règles.

« Non seulement je suis fière d’être une rani mistri, mais je suis aussi très contente de contribuer activement à façonner un avenir sain pour ma fille et les femmes dans la société. Si elles ont accès à des toilettes et aux renseignements sur les bonnes pratiques en matière de santé et d’hygiène, elles pourront mener une vie plus saine », explique Raimuni.

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Alka se tient avec ses deux filles devant l’une des toilettes qu’elle a construites. Grâce à sa nouvelle source de revenus en tant que rani mistri, elle est en mesure d’assurer l’éducation de ses filles. [© UNICEF India/2019/Bhardwaj]

Possibilités d’autonomie économique

La formation pour devenir rani mistri a permis à d’autres femmes d’obtenir leur liberté financière.

Originaire d’un village pauvre en eau et à faible productivité agricole, Alka Minj a utilisé sa qualification de rani mistri comme passerelle vers d’autres possibilités d’emploi plus lucratives. Lorsqu’elle était agricultrice, ses revenus étaient maigres et saisonniers. Sa nouvelle source de revenus lui a permis de devenir autosuffisante et de prendre à sa charge l’éducation de ses enfants.

« La construction de toilettes a doublé mes revenus. J’encourage les autres femmes à faire quelque chose pour établir leur propre identité », dit-elle. Alka est fière d’avoir surmonté les obstacles liés au sexe qui existaient au sein de sa communauté, et elle espère transmettre à ses filles ces leçons de persévérance et de libre arbitre.

Tout comme Alka, Gildli, âgée de 45 ans, a pu utiliser sa qualification de rani mistri pour donner davantage de possibilités à ses filles. La nouvelle source de revenus que lui procure la construction de toilettes lui a permis de soutenir l’éducation de ses enfants. « Auparavant, je n’aurais jamais pu imaginer instruire mes sept enfants avec à peine de quoi vivre. Les gains que me rapporte la construction de toilettes m’ont permis d’aider ma fille à poursuivre ses études supérieures. »

Au cours des deux dernières années, l’État du Jharkhand a non seulement offert une formation en maçonnerie à plus de 55 000 femmes en leur procurant les compétences nécessaires pour élargir leur savoir-faire en matière de construction, mais il a aussi investi dans des conseils scolaires de gestion de l’hygiène menstruelle afin de permettre aux adolescentes et à leurs pairs de surmonter la stigmatisation liée à la menstruation.

Aujourd’hui, plus de 1,1 milliard de filles sont prêtes à affronter l’avenir. Chaque jour, des filles brisent les barrières et surmontent les obstacles pour favoriser et créer un monde plus sûr, plus sain et plus prospère pour toutes et tous. Elles s’attaquent à des problèmes comme le mariage d’enfants, les inégalités d’accès à l’éducation, la violence, la justice climatique et les inégalités d’accès aux soins de santé. Cela montre que rien ne peut arrêter les filles. Un nouveau rapport conjoint de l’UNICEF, de Plan International et d’ONU Femmes révèle que, bien que la vie des filles soit meilleure aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a 25 ans, les progrès sont inégaux d’une région et d’un pays à l’autre. Pour accélérer les progrès, les filles doivent participer à la prise de décisions et à la création de solutions ayant une incidence sur leur avenir.


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