Lorsque je ferme les yeux : trois témoignages d’enfants soldats
Chaque année le 12 février, on souligne partout dans le monde la Journée internationale contre l’utilisation d’enfants soldats, également appelée Journée de la main rouge. Cette journée sert non seulement à demander le soutien des gouvernements pour mettre fin à l’utilisation des enfants dans les forces armées et les milices, mais elle a aussi pour but d’attirer l’attention sur les difficultés qui attendent ces enfants à leur retour à la maison après avoir participé à un conflit armé, et sur l’appui dont ils ont besoin pour pouvoir enfin vivre leur vie d’enfant.
Alors que les blessures physiques guérissent plutôt rapidement, les dommages psychologiques sont souvent sous-évalués, ce qui retarde ou entrave la guérison du traumatisme causé par les abus des forces militaires ou des milices armées. De nombreux enfants souffrent d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) après avoir été forcés à vivre des événements violents et traumatisants, qui ne se produisent que dans les pires cauchemars des adultes.
De plus, les conventions 138 et 162 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) – ainsi que le Manuel sur la sécurité et les droits de l’enfant d’UNICEF Canada (critère 7) – stipulent que les jeunes de moins de 18 ans, ou de moins de 16 ans selon des conditions strictes, ne devraient pas effectuer de travail dangereux. Cela signifie que les enfants ne doivent pas prendre part à des activités militaires ou liées à la sécurité en raison du risque qu’elles présentent pour eux, notamment la participation à des conflits, la prestation de services à des forces militaires ou de sécurité et l’approvisionnement de forces militaires ou de sécurité.
Pour souligner la Journée internationale contre l’utilisation d’enfants soldats ou Journée de la main rouge, nous vous présentons les témoignages de trois anciens enfants soldats du Soudan du Sud, et nous répondons à d’importantes questions sur la protection des enfants qui reviennent du combat.
Combien d’enfants sont utilisés par les forces armées ou les milices au Soudan du Sud?
Le nombre d’enfants utilisés par les forces militaires et les groupes armés varie en fonction de la situation politique, celle-ci dictant le « besoin » d’enrôler des enfants. Ce nombre est aussi fortement lié à la pauvreté; en effet, pour certains enfants, la seule option viable consiste à se joindre à un groupe armé. Il est également difficile de déterminer l’âge des enfants puisque seulement 35 % des naissances sont enregistrées. Les enfants sont recrutés, s’enfuient ou sont libérés sans que personne ne soit avisé. Une équipe spéciale chargée de la surveillance et de la communication des renseignements au Soudan du Sud a relevé l’utilisation et le recrutement de 6 290 enfants depuis 2013. Toutefois, le nombre réel est probablement plus élevé. Parmi eux, 3 785 enfants ont été libérés et ont retrouvé leurs communautés.
Quels sont les autres défis qui attendent les enfants une fois rentrés auprès des leurs?
Certains enfants ont été forcés de combattre pendant des années, et d’autres souffrent de problèmes physiques, sociaux et psychologiques. Bon nombre d’entre eux sont atteints d’un TSPT et présentent des symptômes comme de l’insomnie, des cauchemars récurrents, de la colère et de la détresse.
Le processus de réintégration des enfants dans leurs familles ou leurs communautés peut se montrer long et difficile. Certains sont stigmatisés en raison des activités auxquelles ils ont participé, et les familles ont peur des représailles qui pourraient être infligées aux autres membres de la famille.
De nombreux enfants n’ont jamais fréquenté l’école, ne savent ni lire ni compter et ont peu de possibilités d’avenir.
Comment l’UNICEF et ses partenaires aident-ils les enfants à surmonter toutes ces difficultés?
Le programme de réintégration appuyé par l’UNICEF prévoit un soutien important au départ ainsi qu’un appui psychologique à long terme. Chaque enfant est suivi par un travailleur social spécialisé qui va l’aider à gérer les expériences qu’il a vécues et à élaborer des plans d’avenir. Après une évaluation, un plan est créé pour chaque enfant et le travailleur social doit veiller au succès de sa mise en œuvre.
Le travailleur social intervient également auprès des familles et des communautés afin de favoriser l’acceptation de l’enfant et de construire autour de lui un système de soutien. L’UNICEF soutient également les enfants grâce à des programmes d’éducation et de formation professionnelle, et travaille avec ses partenaires dans le cadre d’activités de recherche et de réunification des familles.
Quelle est la situation du financement destiné aux programmes de démobilisation et de réintégration au Soudan du Sud?
Au cours des dernières années, le programme de réintégration soutenu par l’UNICEF a été sous-financé.
En 2020, UNICEF Soudan du Sud a demandé 4,2 millions de dollars américains et a pu recueillir 27 pour cent de ce montant avec la participation d’UNICEF Canada, Danemark, France, Norvège, Espagne et États-Unis. L’Union européenne, ECHO, USAID ainsi que l’envoyé spécial des États-Unis au Soudan et au Soudan du Sud ont également apporté leur soutien à cet effort.
Toutefois, le programme demeure sérieusement sous-financé. C’est la raison pour laquelle, plusieurs enfants qui se sont échappés de groupes armés ou en ont été libérés n’ont pas accès à un travailleur social régulièrement, ni à l’éducation ou à la formation professionnelle nécessaire, et manquent toujours de produits de première nécessité comme un matelas pour dormir.
En 2021, l’UNICEF demande 4 millions de dollars américains dans le but de soutenir la libération et la réintégration de 2 000 enfants en lien avec des forces militaires ou des groupes armés.
La Journée de la main rouge, ainsi que tous les autres jours, chaque enfant a le droit de vivre à l’abri des mauvais traitements et des conflits.