« L’unité est débordée »
Noureldin a subi une chirurgie abdominale, et un éclat d’obus est encore logé dans sa tête. Kinan a un éclat d’obus dans la main et une jambe cassée. « Ils sont éveillés, mais aucun n’a prononcé le moindre mot depuis la frappe aérienne », raconte leur grand-mère. Elle ajoute qu’elle ne sait pas comment leur annoncer que leurs parents ont perdu la vie.
Tandis que les enfants se reposent, des morts et des blessés déferlent dans l’unité de soins intensifs, entourés par des parents en larmes.
“« L’unité est si débordée que nous manquons de lits. Les médecins doivent traiter certaines personnes à même le sol, ou renvoyer très tôt chez elles celles qui sont blessées, y compris les enfants. Cela met leur vie en danger », explique Younis Awadallah, un spécialiste de l’UNICEF en matière de santé à Gaza.
L’escalade de la violence à Gaza et en Israël risque d’engendrer une détresse psychologique et des préjudices physiques dévastateurs pour les enfants des deux côtés du conflit. Ces conséquences peuvent être permanentes. Le sentiment de sécurité des enfants est ébranlé. Du 8 au 13 juillet, au moins 35 enfants palestiniens âgés de 1 à 17 ans auraient été tués lors de raids aériens sur Gaza, et au moins 296 ont été blessés. L’enclave côtière est bouclée, ce qui rend la fuite difficile pour les civils. En Israël, les tirs de roquettes en provenance de Gaza menacent aussi la vie des enfants israéliens.
« Il savait ce qui allait se passer »
Mohammed Jaber, âgé de neuf ans, se souvient avoir pris son argent de poche et être sorti avec sa sœur Ghina, âgée de cinq ans, alors que la longue journée estivale de jeûne tirait à sa fin, en ce mois de ramadan. « Mes parents ont essayé de me garder à l’intérieur, mais je m’ennuyais, alors nous sommes allés acheter des bonbons et des croustilles », explique-t-il. Une fois dans la rue, dans le camp de réfugiés d’Al-Bureij, qui est densément peuplé, il a entendu dire que des voisins avaient reçu un appel les avertissant d’une frappe aérienne. Mohammed s’est précipité chez lui, mais il n’y a aucun abri à Gaza. Ses parents et leurs six enfants se sont donc réfugiés dans une chambre.
« Mohammed se souvient de la dernière guerre, il y a deux ans », explique sa mère, Mariam, relatant comment l’enfant, blême de peur, a couru et s’est emparé d’un oreiller pour se couvrir le visage et les oreilles. « J’ai cru qu’il allait suffoquer. Puis, une explosion assourdissante a fait voler des éclats d’obus et de verre dans toute la pièce. Tous mes enfants se sont mis à hurler. J’ai réussi à les calmer, mais, après, ils étaient en état de choc et n’ont plus prononcé un mot. »
« Depuis ce jour, Mohammed a recommencé à uriner au lit, et ma fille Ghina, âgée de cinq ans, ne cesse de me dire que des gens vont bombarder notre maison. Chaque fois que son père sort, elle s’agrippe à lui. Elle pense qu’il ne reviendra pas si elle le laisse partir. Je ne peux pas leur dire la vérité : il n’y a aucun endroit sécuritaire et nous ne pouvons pas quitter cet endroit. » Mariam ne sait pas quoi dire à ses jeunes enfants.
Venir en aide aux familles chez elles et à l’hôpital
Afin d’aider les enfants et les parents à gérer la peur, l’anxiété et le stress, cinq équipes d’aide psychosociale d’urgence soutenues par l’UNICEF ont entrepris de faire des visites dans les maisons et les hôpitaux. Dirigées par le Centre palestinien pour la démocratie et la résolution de conflits, qui est partenaire de l’UNICEF depuis 2002, ces équipes apportent des premiers soins psychosociaux.
« Ces équipes étaient sur le terrain dès le deuxième jour de l’escalade de la violence, souvent dans des conditions périlleuses » explique Safa Nasr, un agent de l’UNICEF responsable de la protection de l’enfant à Gaza.
Mardi, quatre intervenants ont rendu visite à douze enfants dont la maison a été endommagée lors d’un raid aérien à Rafah. Tandis qu’ils étaient assis avec eux, un appel téléphonique les a avertis que la maison allait à nouveau être prise pour cible. Tous ont fui quelques minutes avant une deuxième frappe aérienne.
Depuis le début des hostilités, les équipes ont déjà effectué 262 visites et sont venues en aide à 302 enfants. Il leur reste encore beaucoup de visites à faire.