La coordination des mesures en faveur des enfants au sein du gouvernement est un défi universel. Le centre de recherche de l’UNICEFsouligne la nécessité d’assurer une meilleure coordination à cet égard entre les ministères et les différents niveaux de gouvernement. Différentes selon les pays, les approches prennent le plus souvent la forme d’une unité de coordination ou d’un organisme intraministériel. Les stratégies nationales ou plans d’action, les études d’impact des politiques sur les enfants, la coordination de la collecte des données et de la production de rapports, les défenseurs des enfants indépendants et autres processus de gouvernance contribuent à coordonner les mesures en faveur des enfants. Toutefois, au Canada et dans d’autres pays, en raison d’une insuffisance de coordination, certains enfants sont privés de protection juridique, de services, d’avantages sociaux et d’autres mesures gouvernementales auxquelles ils ont droit.
Le Canada a mis sur pied une approche unique qui, si elle était pleinement mise en œuvre, pourrait contribuer à améliorer la coordination des services à l’enfance. Le principe de Jordan est une motion qui a été adoptée à l’unanimité par les membres du parlement en 2007. Ce principe, qui accorde la priorité à l’intérêt de l’enfant, a pour objectif de résoudre les conflits de compétence en matière de prestation de services aux enfants entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et au sein de ces divers gouvernements. Lorsque surgit un conflit de compétences à propos du financement ou de la prestation d’un service, ce qui se produit souvent avec les enfants autochtones, le Principe de Jordan requiert que le ministère gouvernemental ayant été approché en premier place l’intérêt de l’enfant en priorité et finance le service sans délai ni interruption, puis réfère le cas à un processus de règlement pour traiter le remboursement de la dépense.
Le Principe de Jordan s’applique à tous les services gouvernements disponibles à l’intention des enfants, tels que les services d’éducation, de santé, d’aide à l’enfance, les services linguistiques et culturels ainsi que les services répondant à des besoins particuliers.
Si les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux appliquaient systématiquement et intégralement le Principe de Jordan, les enfants, plus particulièrement les enfants vulnérables des Premières nations, n’auraient plus à souffrir des délais ou des interruptions dans la prestation des services essentiels pendant que les gouvernements discutent pour déterminer quel ministère ou quel palier de gouvernement est responsable de la prestation ou du financement des services.
Le principe de Jordan honore la mémoire d'un jeune enfant des Premières nations originaire de Norway House, au Manitoba, qui est né avec des troubles de santé complexes et a dépéri à l'hôpital pendant deux ans pendant que les gouvernements fédéral et provincial se disputaient pour savoir qui paierait ses soins à domicile. Jordan est mort à l'hôpital, sans jamais avoir passé une journée dans une famille. Selon une étude effectuée par la First Nations Child and Family Caring Society, les conflits de compétences reliés aux coûts des soins aux enfants des Premières nations sont courants, près de 400 cas de ce genre s'étant produit dans un échantillon de 12 agences de services à l'enfance et à la famille des Premières nations depuis seulement un an.
Même si toutes les provinces et les territoires ont adopté le Principe de Jordan, celui-ci n’est pleinement appliqué par aucune province ou territoire, ni par le gouvernement fédéral. La mise en œuvre intégrale du Principe requiert l’adoption d’une politique, d’une stratégie de mise en œuvre et d’un processus de résolution de conflit. La Société canadienne de pédiatrie examine l’état de la mise en œuvre du Principe de Jordan dans son rapport de 2009 intitulé En faisons-nous assez? Un rapport de la situation des politiques publiques canadiennes et de la santé des enfants et des adolescents.
Pour en savoir plus sur les mécanismes de coordination des mesures en faveur des enfants au Canada et dans le monde entier.