Le nombre d’enfants ayant besoin d’une aide humanitaire au Soudan a doublé alors que le conflit qui entre dans sa troisième année les enferme dans une « spirale infernale »
PORT-SOUDAN/AMMAN/NEW YORK, le 15 avril 2025 – Alors que le conflit au Soudan entre dans sa troisième année, le nombre d’enfants ayant besoin d’une aide humanitaire a doublé, passant de 7,8 millions début 2023 à plus de 15 millions à l’heure actuelle.
Si aucune mesure n’est prise de toute urgence, la crise humanitaire désastreuse qui sévit dans le pays pourrait se transformer en véritable catastrophe. Les actes de violence commis contre des enfants se multiplient, tandis que la faim et la maladie gagnent du terrain. Les déplacements continuent également de bouleverser la vie des familles, auxquelles les acteurs humanitaires ont de plus en plus de mal à venir en aide en raison des contraintes d’accès et du manque de financements. Enfin, l’arrivée prochaine de la saison des pluies, qui s’étend de mai à octobre, menace comme souvent d’être accompagnée d’inondations et d’une résurgence des cas de malnutrition et des flambées épidémiques.
« Ces deux années marquées par la violence et les déplacements ont fait voler en éclat la vie de millions d’enfants au Soudan. Or, les financements ne sont toujours pas à la hauteur des besoins », a déclaré Catherine Russell, Directrice générale de l’UNICEF. « À l’approche de la saison des pluies, les enfants déjà éprouvés par la malnutrition et la maladie vont être d’autant plus difficiles à atteindre. C’est pourquoi j’exhorte la communauté internationale à se saisir de cette fenêtre d’intervention décisive et à intensifier au plus vite son action en faveur des enfants au Soudan. »
Le pays est le théâtre de la plus grande crise humanitaire et de déplacement d’enfants au monde. Ainsi, plus de la moitié des quelque 30 millions de personnes ayant besoin d’une assistance humanitaire cette année sont des enfants. Il en va de même pour plus de la moitié des quelque 15 millions de personnes déplacées par le conflit, tant à l’intérieur du territoire soudanais qu’au-delà de ses frontières. Parmi ces enfants, près d’un tiers sont âgés de moins de 5 ans. Dans les régions où il est possible de revenir s’installer, les engins non explosés et l’accès limité aux services essentiels exposent les enfants à des risques extrêmement élevés, tandis que la famine gagne du terrain, que les taux de vaccination continuent de chuter et qu’environ 90 % des enfants sont déscolarisés.
Cette situation est par ailleurs aggravée sous l’effet cumulé d’un ensemble de facteurs interdépendants :
Le nombre de violations graves commises contre des enfants* a augmenté de 1 000 % en deux ans. Auparavant circonscrits à certaines régions telles que le Darfour ou encore les États du Nil-Bleu et du Kordofan du Sud, ces actes perpétrés dans le sillage du conflit qui ravage actuellement le pays sont désormais attestés dans plus de la moitié des 18 États soudanais. Les violations graves les plus fréquemment confirmées au Soudan incluent les meurtres, les mutilations et les enlèvements d’enfants, ainsi que les attaques contre les écoles et les hôpitaux. C’est au Darfour, à Khartoum, ainsi que dans les États d’Al-Jazira et du Kordofan du Sud que l’on a recensé le plus grand nombre de cas au cours des deux dernières années.
La famine, déjà installée dans au moins cinq localités, est sur le point d’être déclarée dans cinq autres, tandis que 17 zones supplémentaires sont en situation de risque. À l’approche de la saison des pluies, il est préoccupant de constater que sept des localités concernées (dont six au Darfour et une dans le Kordofan du Nord) sont également vulnérables aux inondations, sachant que c’est précisément à cette période qu’ont été admis près de 60 % des cas annuels de malnutrition aiguë sévère entre 2022 et 2024. Si cette tendance se maintient cette année, on pourrait alors recenser jusqu’à 462 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère entre les mois de mai et d’octobre.
Une recrudescence des flambées de maladie est également attendue. Au cours de la seule année 2024, 49 000 cas de choléra et plus de 11 000 cas de dengue ont été déclarés, dont 60 % concernaient des mères et des enfants. Or, ces flambées sont aggravées par les effets de la saison des pluies, notamment par la contamination de l’eau, les problèmes d’assainissement ainsi que par l’augmentation des déplacements et des mouvements de population.
En outre, les travailleurs humanitaires ont de plus en plus de difficultés à atteindre les enfants en raison de l’intensité du conflit et des restrictions ou des formalités administratives imposées par les autorités gouvernementales ou par certains groupes armés. Ainsi, en 2024, l’acheminement de l’aide humanitaire par l’UNICEF a été retardé dans plus de 60 % des cas du fait de conditions de sécurité extrêmement instables. Si aucune mission n’a été annulée ou interrompue, cette situation a toutefois perturbé la fourniture de l’aide en temps voulu et entravé l’accès aux enfants en proie à des besoins urgents.
Le niveau extrêmement faible des financements à destination des services vitaux met de plus en péril la poursuite de programmes essentiels en matière de santé, de nutrition, d’éducation et de protection en faveur des enfants et des familles, avec pour conséquence un lourd tribut en vies humaines. Bien que l’UNICEF ait lancé un appel de fonds de 1 milliard de dollars des États-Unis au titre de son intervention au Soudan pour l’année 2025, la somme annuelle de seulement 76 dollars É.-U. par personne (soit 0,26 dollar É.-U. par jour) étant requise pour fournir un soutien essentiel à celles et ceux qui se trouvent dans le besoin, l’organisation ne dispose à ce jour que de 266,6 millions de dollars É.-U. pour financer cette action et sur cette somme, seulement 12 millions de dollars É.-U. ont été reçus en 2025, le reste étant le fruit d’un report des financements obtenus en 2024.
En 2024, l’UNICEF et ses partenaires ont fourni au Soudan un soutien psychosocial ainsi que des services d’éducation et de protection à 2,7 millions d’enfants et de personnes qui en ont la charge, approvisionné plus de 9,8 millions d’enfants et de familles en eau potable, assuré un dépistage de la malnutrition chez 6,7 millions d’enfants et administré un traitement vital à 422 000 d’entre eux. L’UNICEF continue d’accorder la priorité aux interventions qui permettent de sauver des vies dans les zones de conflit et de venir en aide aux populations déplacées ainsi qu’aux communautés d’accueil dans les régions plus sûres, où l’organisation fournit un soutien et des services essentiels.
« Alors que le Soudan traverse actuellement la crise humanitaire la plus grave au monde, il ne bénéficie pas de l’attention qu’il mérite de la part de la communauté internationale », a ajouté Catherine Russell. « Nous ne pouvons pas abandonner les enfants du Soudan à leur sort. Malgré notre expertise et notre volonté d’intensifier nos actions, nos efforts restent limités en l’absence d’un accès aux populations et de financements pérennes. Mais par-dessus tout, les enfants ont besoin que ce terrible conflit prenne fin. »
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À propos de l’UNICEF
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