Soudan : l’ONU alerte face à la recrudescence des violences à l'encontre des femmes et des filles
New York/ Genève, le 5 juillet 2023 – Alors que les combats ont éclaté au Soudan il y a plus de 11 semaines, les hauts responsables des Nations Unies ont exprimé aujourd’hui leur consternation et ont condamné la violence basée sur le genre qui sévit dans le pays – notamment la violence sexuelle liée au conflit qui touche les femmes et les filles déplacées et réfugiées.
Les hauts responsables des Nations unies appellent à l’arrêt immédiat de la violence basée sur le genre (VBG), y compris la violence sexuelle en tant que pratique de guerre visant à terroriser les populations, et demandent que soient menées des enquêtes rapides, approfondies, impartiales et indépendantes sur l’ensemble les violations et atteintes flagrantes et abusives des droits de l’homme, et que les auteurs de ces actes soient tenus de rendre des comptes. Ils soulignent que tous les belligérants doivent respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’homme de protéger les civils, y compris les femmes et les filles, notamment en permettant aux victimes d’accéder en toute sécurité aux soins de santé et au personnel de santé de se rendre dans les établissements de soins.
Les chefs du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), du Bureau des droits de l’homme de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), l’ONU Femmes et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont également souligné la nécessité d’intensifier rapidement les services de prévention de la VBG et d’intervention au Soudan et dans les pays voisins, où les personnes fuyant la violence se sont réfugiées.
Avant même que les combats n’éclatent le 15 avril, plus de 3 millions de femmes et de filles au Soudan étaient exposées à la VBG, y compris avec leur partenaire, selon les estimations des Nations unies. Ce chiffre a grimpé à 4,2 millions de personnes.
Depuis le début du conflit, le Bureau des droits de l’homme des Nations unies au Soudan a reçu des rapports sérieux faisant état de 21 cas de violences sexuelles liées au conflit à l’encontre d’au moins 57 femmes et jeunes filles. Parmi les victimes, on compte au moins 10 fillettes. L’un des rapports fait état d’au moins 20 femmes violées lors de la même attaque.
L’unité de lutte contre la violence à l’égard des femmes, qui dépend du ministère soudanais du développement social, continue également de recevoir des rapports de violences sexuelles perpétrées dans le cadre du conflit en cours. Elle a recensé au moins 42 cas présumés dans la capitale, Khartoum, et 46 dans la région du Darfour.
Compte tenu de l’importante sous-déclaration des VBG, le nombre réel de cas est sans aucun doute bien plus élevé. De nombreuses rescapées éprouvent des difficultés à signaler les violences sexuelles en raison du sentiment de honte, de la stigmatisation et de la peur des représailles.
Le signalement des violations et l’obtention d’un soutien sont également rendus difficiles, voire impossibles, par le manque d’électricité et d’accès au réseau, ainsi que par le manque d’accès humanitaire en raison de la situation sécuritaire instable. Les attaques et l’occupation des établissements de santé empêchent également les victimes de solliciter et de bénéficier de soins de santé d’urgence.
Pourtant, les prestataires de soins de santé, les travailleurs sociaux, les conseillers et les réseaux de protection communautaires à l’intérieur du Soudan ont tous mis en garde contre une augmentation marquée des cas de VBG à mesure que les hostilités se poursuivent dans le pays. Les femmes, y compris les réfugiées qui vivaient au Soudan avant le conflit, ont signalé des cas de violence basée sur le genre lorsqu’elles ont fui le pays.
Les femmes fuyant le Soudan ont raconté au HCR et aux équipes des Nations unies chargées des droits de l’homme dans les pays voisins les terribles violences auxquelles elles ont été confrontées. Le risque de violence sexuelle est particulièrement élevé lorsque les femmes et les filles se déplacent à la recherche de lieux plus sûrs.
Il est urgent d’intensifier l’assistance dans les sites d’accueil pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays, dans les zones touchées par le conflit ainsi que dans les pays voisins.
Malgré la violence, les agences des Nations unies s’efforcent d’atteindre les rescapées. Le FNUAP fournit des services et des soins essentiels en matière de sexualité et de procréation, y compris la prise en charge clinique du viol. L’organisation soutient également des espaces sûrs pour les femmes et les filles, en distribuant des kits de dignité ; forme des prestataires de services ; et travaille à l’extension des services à distance lorsque l’accès direct est perturbé. L’OMS travaille avec le FNUAP et d’autres partenaires du secteur de la santé pour garantir un accès plus rapide aux fournitures sanitaires d’urgence. Dans le cadre de ses interventions de protection plus larges, le HCR fournit des services aux rescapés, y compris un soutien médical et psychosocial, tandis que l’UNICEF fournit des services d’aide aux personnes déplacées et travaille sur l’atténuation des risques, la participation des femmes et des filles ainsi que des interventions de prévention et de réponse à ces violences.
Pour les victimes de violences sexuelles, un accès rapide aux services de santé est vital. Au Soudan, les femmes activistes ont souligné la nécessité de disposer de plus de médicaments, de fournitures médicales, de kits de dignité et de kits de prophylaxie post-exposition pour prévenir la transmission du VIH dans le cadre de la prise en charge clinique des viols.Ces fournitures doivent également parvenir aux cliniques locales, aux organisations communautaires et aux principaux intervenants de première ligne lorsque les survivantes n’ont pas accès aux établissements de santé.
Aider les femmes et les filles à grande échelle nécessite un soutien généreux de la part des donateurs. Le plan révisé d’intervention humanitaire pour le Soudan prévoit 63 millions de dollars pour financer les services de prévention et d’intervention destinés aux victimes de violence basée sur le genre au Soudan, dans le but d’atteindre 1,3 million de personnes. Les besoins de financement pour des programmes de protection, y compris la prévention et la réponse à la violence basée sur le genre pour ceux et celles qui ont fui le pays s’élèvent à près de 63 millions de dollars dans le plan régional complémentaire de réponse aux réfugiés.
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Citations
Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF : « Ce que nous constatons avec tristesse, une fois de plus, c’est une augmentation de la violence basée sur le genre en temps de crise. Il s’agit d’une violation des droits de l’homme omniprésente, mais trop souvent dissimulée, qui peut avoir des conséquences physiques et psychologiques dévastatrices à long terme sur les victimes. Il est essentiel de concevoir des plans de prévention et d’intervention qui placent les besoins des femmes, des jeunes filles et de tous les survivants au cœur de leurs préoccupations. »
Martin Griffiths, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence (OCHA) : « Il est inadmissible que les femmes et les enfants du Soudan, dont la vie a été bouleversée par ce conflit insensé, soient encore davantage traumatisés par cette forme de violence. Ce dont nous sommes témoins au Soudan n’est pas seulement une crise humanitaire, c’est une crise de l’humanité ».
Volker Türk, Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) : « Nous recevons des rapports choquants faisant état de violences basées sur le genre, contre les femmes et les filles, y compris des viols. Après une telle cruauté et une telle brutalité, les femmes et les filles ne bénéficient que de peu ou pas de soutien médical et psychosocial. La violence basée sur le genre doit faire l’objet d’une tolérance zéro. Tous les auteurs doivent être tenus pour responsables ».
Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) : « Nos équipes dans la région décrivent d’horribles épreuves auxquelles sont confrontées les femmes et les filles déplacées de force lorsqu’elles fuient le Soudan. Cette série choquante de violations des droits de l’homme doit cesser. Il est urgent d’apporter une aide aux survivantes et aux personnes en danger, mais jusqu’à présent, les fonds sont extrêmement insuffisants ».
Natalia Kanem, directrice exécutive du FNUAP : « L’utilisation de la violence basée sur le genre dans les conflits comme tactique d’intimidation est abominable et ne doit jamais donner lieu à l’impunité de ses auteurs. Le FNUAP est aux côtés des femmes et des filles du Soudan qui réclament justice. Nous dirigeons les efforts visant à prévenir la violence basée sur le genre et à fournir aux survivantes des traitements médicaux et des conseils. Notre travail ne sera terminé que lorsqu’elles auront eu tout le soutien dont elles ont besoin ».
Sima Bahous, directrice exécutive d’ONU Femmes : « La violence basée sur le genre est l’un des crimes internationaux les plus difficiles à documenter et à poursuivre en justice. La stigmatisation omniprésente empêche les survivantes de se manifester ou de chercher le soutien dont elles ont besoin. Cela limite à son tour l’accès des survivantes à des services médicaux et juridiques cruciaux, ce qui entraîne des problèmes non résolus. Les allégations de violence sexuelle doivent faire l’objet d’enquêtes rigoureuses, en accordant la priorité aux droits, aux besoins et à la sécurité des personnes victimes ».
Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS : « La violence actuelle, y compris les attaques contre la santé, empêche les survivantes de la violence basée sur le genre d’avoir accès aux soins de santé essentiels à un moment où elles en ont le plus besoin. Les femmes et les jeunes filles doivent être protégées contre la violence basée sur le genre et les survivantes doivent pouvoir accéder sans entrave aux soins. Le personnel et les établissements de santé doivent aussi être protégés ».
À propos de l’UNICEF
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