La famille compte parmi les plus de 3 000 personnes réfugiées syriennes qui reçoivent de l’aide de l’Association des femmes arabes pour le développement (AFAD), du ministère de la Santé de la Turquie, du Croissant-Rouge turc et de l’UNICEF, dans l’école de Suruç, qui était, jusqu’à maintenant, désaffectée.
Près de 80 pour cent des nouvelles personnes réfugiées dans l’école sont des enfants. Plus de 180 000 Syriennes et Syriens ont fui en Turquie depuis la mi-septembre, lorsque les actes de violence se sont intensifiés dans le nord, dans la province d’Alep et dans la ville d’Ayn al-Arab, connue sous le nom de Kobane en kurde.
De nombreuses familles nouvellement arrivées ont trouvé refuge au sein de la communauté d’accueil, mais beaucoup se retrouvent seules, sans aide financière ni endroit où habiter.
Dans la grande tente blanche décorée de personnages de dessins animés, des groupes d’enfants jouent à des jeux de société dans l’espace adapté aux enfants de l’UNICEF, qui a été établi en collaboration avec le Croissant-Rouge turc.
Les garçons sont alignés d’un côté et les filles de l’autre : tous les yeux sont rivés sur les concurrents afin de voir qui utilisera son ballon le plus adroitement pour renverser les verres vides.
À l’extérieur de l’espace adapté aux enfants, des jeunes se rassemblent et attendent impatiemment avec leurs nouveaux camarades d’être le prochain groupe à participer au jeu.
Incapable de contenir son enthousiasme, Sirin, âgée de 8 ans, s’assoit sur une marche avec son nouveau copain Amal, âgé de 9 ans.
« Nous voulons jouer aux LEGO. Nous attendons depuis deux jours pour pouvoir entrer! Ils viennent de nous dire que ce serait notre tour dans 15 minutes », dit-elle.
Près de 400 enfants sont déjà inscrits, chaque groupe étant composé de 20 jeunes. Évidemment, ce nombre va augmenter.
Bien que dirigés par des travailleuses et travailleurs sociaux du Croissant-Rouge turc, les espaces adaptés aux enfants sont entièrement soutenus par l’UNICEF.
Le coordonnateur des opérations sur le terrain de l’UNICEF, Hakki Ersoy, était sur place lorsque l’espace adapté aux enfants a reçu ses premiers jeunes, à Suruç.
« Les espaces adaptés aux enfants ne remplacent pas les écoles; ils sont purement conçus pour des activités récréatives et sont extrêmement importants. Les enfants qui ont vécu des traumatismes intenses ont besoin d’un endroit où ils peuvent se concentrer sur le jeu. Ils sont souvent entourés d’adultes qui continuent de parler de ce qu’ils ont vécu, ce qui peut avoir un effet très négatif sur les enfants, chez qui les mécanismes d’adaptation ne sont pas aussi développés.
Nous voulons procurer aux enfants une certaine normalité afin de les aider à surmonter leurs expériences traumatisantes », explique monsieur Ersoy.
« Nous allons construire une grande tour. Si nous travaillons tous ensemble, nous construirons la plus haute et la plus belle », affirme Sirin.
Sirin est venue à Suruç avec sa mère, Lamia, et ses sœurs, Lozivan et Nirüz.
Les filles ont les mêmes cheveux courts et la même lueur malicieuse dans les yeux.
Un lien très particulier unit Lozivan et Sirin, car elles sont identiques. « Si Sirin tombe malade, Lozivan sera malade elle aussi; elles partagent tout », affirme leur mère, Lamia.
« Nous nous aimons profondément et nous jouons tout le temps ensemble », ajoute Lozivan.
La famille a déjà dû quitter sa demeure une fois, afin de fuir les combats qui faisaient rage à Damas et, maintenant, pour se rendre d’Ayn Al-Arab jusqu’en Turquie.
« Nous étions en troisième année et, maintenant, la seule chose que nous voulons, c’est de recommencer à aller à l’école », explique Sirin. Ses matières préférées sont l’arabe et les mathématiques.
Cette jeune fille maigre et nerveuse aimerait maintenant apprendre le turc.
« Je voudrais déjà être adulte pour pouvoir travailler et gagner de l’argent. Pour cela, je dois apprendre le turc », explique-t-elle.
Vive d’esprit, Sirin semble déjà plus âgée que ses huit ans.
« Nous aimons jouer avec des jouets, mais il n’y en a pas assez pour tout le monde. Les poupées sont nos jouets préférés, mais nous n’en avons pas », ajoute-t-elle.
Bien que la majorité des occupants de l’école soient des enfants, Sirin et sa sœur sentent le regard des nombreux adultes qui surveillent ce qu’elles font. Cette surveillance constante laisse peu de place pour jouer des tours.
« Nous n’aimons pas être avec les adultes, car ils sont trop nombreux à nous surveiller », affirme Sirin lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle aimait le moins dans le camp.
Sa mère rit en l’entendant.
« Mes filles sont assez intelligentes pour s’en sortir », conclut Lamia en souriant.